morceaux de vie... poèmes & textes d'eari

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eärendil
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Message par eärendil »

Pas mon but de faire peur à qui que ce soit, ce sont juste des angoisses parfois impersonnelles, parfois plus personnelles; mais en général les poèmes qui me concernent plus, je les mets dans poèmes gazettiens, celui-là ne parle pas de moi :lol:.

Je ne suis pas inquiète ;), parfois la première personne est juste une façon de mettre plus de puissance dans un morceau d'écriture. Et en réalité c'est souvent quand je parle à la 3ème personne que cela me touche le plus et j'essaie de me distancier de la chose ;).

Bastet, je sais d'où ça vient, faut juste que je change de lunettes parce que j'ai encore perdu donc ça déclenche des migraines ophtalmiques ;)... + l'ordi + le flou de ma vie qui fait que je cogite beaucoup :lol:...

Ceci étant dit, merci pour vos commentaires cela fait vraiment plaisir ;)...

Allyloo, t'as eu du courage, je suis flattée vraiment :)

Bellatrix, j'imagine que certaines peurs viennent à certains âges et qu'on les partage malgré tout ;). Si mes textes peuvent constituer une catharsis pour toi, j'en suis ravie et flattée ;)... *hugs*
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Message par !i Luna Lovegood i! »

Magnifiques tes textes Eärendil !!
Absolument sublimes!!!

Dis, on peut poster les notres sur ce topic, ou c'est ton topic personnel?
"Don't worry. You're just sane as I am."
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eärendil
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Message par eärendil »

!i Luna Lovegood i! a écrit :Magnifiques tes textes Eärendil !!
Absolument sublimes!!!

Dis, on peut poster les notres sur ce topic, ou c'est ton topic personnel?

Merci infiniment Luna :oops: :oops:
Désolée de ne pas avoir répondu avant d'ailleurs. Je ne voulais pas poster juste pour te répondre et je pensais finir ma nouvelle avant aujourd'hui. Il s'avère que je dois la rédiger en deux parties :roll:. Donc je réponds maintenant avant de la poster.
C'était plus un topic pour moi, mais je n'ai aucun problème si vous voulez partager des textes ici. Disons qu'il faut juste que ce soit plus long que les poèmes gazettiens ou les inspirations quotidiennes. C'est plus une affaire d'histoires courtes, de nouvelles etc ;). Mais ça me fera plaisir pour sûr.

Et voilà la première partie de mon histoire. Si la seconde est aussi longue (et je pense qu'elle sera plus longue) ça va mettre le temps :lol:

C'est un peu particulier dans le sens où les narrateurs sont multiples. Ce sont plusieurs points focaux... Enfin, bref, c'est venu de cette manière et c'est assez intéressant. D'ailleurs la scène dans la montagne, je l'ai aussi "vécue" du point de vue de la 'silhouette sombre et impressionnante', mais ne me demandez pas encore de vous la décrire ;)


La balance (partie 1)

« Maître vous ne pouvez pas me demander cela.
- Le Grand Conseil en a décidé ainsi selon les instructions des esprits et je n’ai pas à remettre en cause cette décision.
- Mais c’est trop tôt. Je ne suis pas prête.
- Bien sûr que si. Tu es allée plus loin que n’importe quel autre jeune de ton âge. Fais-toi un peu confiance.
Ses yeux se posèrent sur son apprentie ; Valine était probablement l’élève la plus douée qu’il eut jamais eu. Elle ne semblait pas particulièrement forte, et guère bâtie pour le combat qui l’attendait. Etant plutôt menue, c’était à se demander pourquoi les esprits avaient choisi de lui conférer un pouvoir de cet ordre. De plus, elle était trop timide pour devenir une meneuse de la communauté ; pourtant, quelque chose brillait en elle qui révélait qu’elle recelait plus de secrets qu’il ne lui avait été dit.
« Cela fait dix ans que je t’enseigne Valine. Depuis que tes parents t’ont confiée à nous, je te vois grandir. Je te connais bien et je sais que tu seras à la hauteur de cette tâche.
- Mais…
- Mais quoi ?, ajouta-t-il avec un brin de malice. C’est vrai que tu n’es pas encore passée ‘maître’ et alors. Cela ne saurait tarder. Peut-être est-ce cette mission qui le permettra qui sait.
- Je ne saurais pas enseigner de toute façon, répliqua-t-elle avec un sourire. Je n’ai pas votre patience.
- Cela viendra. Va te préparer.
Il avait réussi à lui arracher un sourire mais il savait qu’elle n’était pas entièrement convaincue quoiqu’il ignorât pour quelle raison. Elle n’avait encore aucune idée de sa destination mais elle semblait déjà sentir le danger. Il aurait aimé aller contre l’ordre du Conseil ; l’envoyer là-bas c’était la condamner à faire face à quelque chose qu’elle n’avait encore jamais rencontré. Certes, il fallait qu’elle l’ignore pour ne pas se laisser gagner par la peur et faire preuve de sa valeur mais tout de même. Il soupira ; il s’était attendri au contact de cette enfant puis de cette jeune femme. Elle soulevait tant de souvenirs à la fois doux et amers, et pourtant elle semblait les atténuer et les rendre supportables, comme si elle les absorbait.

~~~~~~~~~~~~~~

La jeune fille observait son sac de voyage ; elle n’avait pas grand chose à emmener avec elle finalement, les vêtements de l’ordre étant relativement simples : la toge blanche, simple, évocatrice de son niveau la faisait paraître encore plus petite qu’elle ne l’était déjà. Autour de son cou, l’amulette qui lui avait été remise lors de son passage au grade d’apprentie de premier rang. Valrec avait raison, elle était la plus jeune parmi les membres de ce rang, mais cela ne signifiait pas pour autant qu’elle était prête à devenir maître magicienne à part entière. La plupart étudiait encore une dizaine d’années avant d’atteindre ce rang et même alors les études continuaient pour les magiciens au sein du temple, de ses archives et sous la protection des esprits. En fait, ce qu’elle craignait c’était certainement de quitter ce havre de paix et de sécurité qu’elle n’avait jamais quitté. Cet espace dans lequel elle avait appris à contrôler ces pouvoirs qu’elle avait toujours eus, comme celui de sentir Narim arriver sur la pointe des pieds dans sa chambre.
« Tu n’es pas supposé étudier en ce moment ?
- T’es pas drôle, j’arrive jamais à te surprendre.
Elle rit doucement ; elle avait bien une ou deux fois prétendu être surprise mais il avait toujours su qu’elle le sentait venir. Narim l’avait prise sous sa protection depuis son arrivée ; de six ans son aîné, il avait fait attention à elle et avait été comme un grand frère pour elle. Lui aussi très doué, il devait passer maître bientôt ainsi que le révélait l’amulette brune qu’il portait au cou. Il était d’ailleurs surprenant qu’il soit ici ; en général, le conseil ne permettait pas d’interaction aux apprentis en jeûne de préparation.
« En fait non. On m’a envoyé te dire deux choses. Tu ne pars pas dans cette tenue Valine. Et, finalement, tu ne pars pas seule.
- Vraiment ?
C’était plutôt surprenant ; d’après ce qu’avait dit Valrec, elle devait faire face à ce test sans l’aide d’aucun maître. Elle fit alors attention à ce que Narim portait dans ses mains ; une tenue beaucoup plus… révélatrice, ne ressemblant en rien à la tenue d’une apprentie magicien. Elle prit les vêtements que Narim lui tendait en le regardant.
« Et qui va m’accompagner ?
- Moi. Me regarde pas comme ça. Je t’accompagne pas tout le long mais au moins pour le départ nos chemins se suivent.
- Et tu pars dans cette tenue ?
- Moi oui, parce que je vais dans des contrées connues disons. Apparemment, les magiciens ne sont pas acceptés partout où toi, tu dois passer. Ils ne veulent pas prendre de risques.
- Tu sais donc où je vais ?
- Non pas exactement, je n’ai qu’un message à te laisser lorsque nous nous quitterons.
Elle acquiesça ; au moins, elle aurait de la compagnie pendant une partie du trajet. Il la quitta, lui donnant rendez-vous une heure plus tard devant la grande porte. Elle quitta sa toge qu’elle glissa dans le sac puis enfila les vêtements que lui avait remis Narim ; elle avait l’air d’une voyageuse aguerrie dans ces derniers alors qu’elle n’avait pas quitté le temple depuis sa dernière visite à ses parents huit années auparavant juste avant son entrée en apprentissage de deuxième rang. Elle se sentait révélée dans ces affaires qui la serraient plus que sa toge et qui mettaient tout de même en vue ce que Narim avait appelé une fois en riant ses ‘attributs féminins’. Une heure plus tard, elle le retrouvait à la grande porte ; lui et le grand maître du Conseil.

~~~~~~~~~~~~~~

Alors qu’il la regardait s’approcher, il se demandait si les esprits avaient fait le bon choix. Jamais il n’aurait remis en question une de leurs décisions et pourtant. Cette jeune fille d’apparence tellement fragile avait pour mission de retrouver et ramener un objet d’une puissance qu’elle ne pouvait même pas imaginer. Pourquoi elle ? Etait-il possible qu’elle soit vraiment ce qui leur avait été révélé ? Elle était si jeune par ailleurs, très douée, peut-être la plus douée de tous les apprentis présents au temple, mais encore une enfant, sans moyen de se défendre comparé aux anciens. Il se secoua mentalement ; l’âge et l’apparence n’avaient aucune valeur quand il s’agissait de pouvoir. Non, les esprits savaient ce qu’ils faisaient et quels risques ne valaient pas la peine d’être pris. De plus, elle ne partirait pas seule et il escomptait bien que Narim lui enseigne encore quelques petites choses, peut-être même sans le réaliser. Il sourit alors qu’elle s’inclinait devant lui avec respect.
« Bonjour mon enfant.
- Bénissez-moi maître avant que je n’engage dans cette mission pour l’Ordre. J’espère être à la hauteur de vos attentes.
- Tu le seras ; écoute les esprits, ils te guideront. Et ceci te protégera si tu en as le besoin. Ne faillis pas.
Il lui remit la dague de l’Ordre ; objet sacré, il n’était remis qu’à ceux dont la mission était urgente et vitale pour sa survie. Il vit dans les yeux de la jeune femme cette réalisation que sa quête revêtait une importance capitale pour la communauté ; bien, elle faisait preuve d’intelligence. Ceci l’aiderait plus tard. Une fois qu’elle l’eut attachée à sa ceinture, il posa ses mains sur sa tête, puis sur ses épaules et son cœur. Bien qu’elle l’ignorât, elle aurait bien plus besoin de la protection de l’Ordre que le jeune homme qui allait partir avec elle. Il bénit aussi Narim, sachant qu’il serait de retour avant sa jeune protégée. C’était un bon choix que de les laisser partir ensemble ; depuis longtemps, leurs liens les avaient protégés de nombres d’interférences maléfiques, mais cela serait-il suffisant aujourd’hui ? Il les regarda s’éloigner dans la forêt entourant le temple, en murmurant un bonne chance et se retourna, ne remarquant pas la silhouette qui sortait discrètement du temple, à la suite des deux jeunes gens.

~~~~~~~~~~~~~~

Ils devisaient agréablement tout en marchant, profitant de ces instants rares qu’ils pouvaient passer ensemble sans être sous la surveillance de quiconque. Avant peu, leurs rires égaillaient la forêt, plaisantant et se comportant comme les enfants qu’ils étaient un peu restés. Il adorait l’entendre rire, et elle aimait l’entendre raconter des histoires comme lorsqu’elle était petite fille et qu’être loin de ses parents l’effrayait. C’était presque de l’insouciance et pourtant, leurs sens restaient en éveil si bien que lorsque l’homme s’approcha un peu trop près d’eux un bouclier d’air et de feu fut formé en un clin d’œil autour d’eux. L’homme sourit.
« Je vois que vous travaillez bien en équipe.
- Valrec, que faites-vous ici ?
- J’avais un mot à dire à Valine. Veux-tu bien nous excuser ?
- Bien sûr.
Narim continua un peu plus loin laissant un espace d’intimité au maître et son apprentie ; Valrec esquissa quelques mouvements que Valine perçut à peine, mais elle savait qu’il augmentait cet espace de solitude. Pourquoi ?
« Valine promets moi une chose.
- Qu’y a-t-il ?, demanda-t-elle un peu soucieuse. Son maître quittait rarement le temple et encore moins en se faufilant comme un voleur.
- Si tu sens que tu ne fais pas le poids dans cette mission, enfuis-toi. Ne risque pas ta vie.
- Mais…
- Pas de mais. Tu m’entends ?
- D’accord mais.
- Non, promets le moi.
- Je vous le promets maître.
- Bien. Bonne chance. Que les esprits t’accompagnent.
Et il fit demi-tour et repris son chemin vers le temple. Valine le regarda perplexe ; elle avait rarement vu son maître aussi inquiet. Il avait quitté l’enceinte du temple sans autorisation pour la prévenir d’un danger qu’elle ne percevait pas elle-même.
« Qu’est-ce qu’il voulait ?
- Hein ? Me souhaiter bonne chance et me demander d’être prudente.
- Toi, prudente ? Non.
- Oh ça va. Il me semble que c’est toi qui as escaladé les murs de l’enceinte pour sortir pas moi.
- Dis-moi que tu ne l’aurais pas fait si j’avais réussi.
Elle rit à nouveau ; ils évoquèrent la punition mémorable qui avait résulté de cet acte. Ils n’avaient plus jamais été désagréable avec les palefreniers par la suite. Récurer les stalles des chevaux n’avait rien de sympathique même si les bêtes se laissaient bichonner sans problème. De concert, et dans une certaine bonne humeur, ils parcoururent les routes pendant plusieurs jours, s’arrêtant dans un village pour acheter des chevaux. Ils ne croisèrent que peu de monde avant d’arriver à la Grande Croisée.

« C’est là que nous nous séparons Valine.
- Déjà ?
- Je pars vers le Sud, mais toi vers le Nord. Tiens, voilà le message que je devais te remettre. Et… Valine, écoute le conseil de Valrec. Sois prudente d’accord.
Avant qu’elle eut le temps de répondre, Narim déposa un baiser délicat, guère plus qu’une caresse sur sa joue et piqua des deux vers le Sud sans se retourner, sa main s’agitant dans le soleil de midi. Sa main traîna un moment sur sa joue avant qu’elle ne réagisse… elle brisa le sceau de la lettre et l’ouvrit. Elle comprenait maintenant pourquoi on ne lui avait rien dit plus tôt ; on l’envoyait directement dans ce qui s’approchait le plus de l’antre du mal absolu pour retrouver et ramener la sinistre Pierre Noire. Et curieusement, elle se mit à rire ; la situation était tout de même particulièrement ironique. Pourquoi l’envoyer elle pour accomplir une tâche dans laquelle bien des anciens avaient déjà échoué ?

Décidée néanmoins, elle s’engagea sur la route du Nord vers les Montagnes grises. Effectivement, elle allait devoir passer dans une contrée hostile aux magiciens, à moins qu’elle ne s’astreigne à un détour de plusieurs jours. Mais pouvait-elle risquer sa vie pour ne pas perdre de temps ? Après une autre journée de route, elle arrivée au croisement. En partant sur sa gauche, cela lui prendrait deux jours pour se rendre dans les montagnes, si elle passait inaperçue. A sa droite, un trajet de six jours mais plus sûr, tant pour elle que pour sa monture. Préférant ne pas prendre de décision irréfléchie, elle fit le choix de passer la nuit au croisement ; les esprits enverraient peut-être un signe. Assise près du feu, elle se remémorait la légende entourant la pierre qu’elle devait ramener. Entre les bonnes mains, enfin les mauvaises mais entre les mains de la personne capable de la contrôler, cette pierre pouvait réduire le monde à la misère et au néant. Elle avait été cachée par différents ordres des siècles auparavant afin d’être soustraite aux mains des Arglis. Pourtant chaque cinq cents cinquante cinq ans, il fallait changer la pierre de lieu car son influence maléfique la rendait perceptible à ceux qui l’auraient utilisé à des fins terribles. Certes, elle se rendait dans un endroit dont la force négative dépassait probablement de loin tout ce qu’elle avait pu rencontrer jusqu’à présent, mais il était tout de même rassurant de savoir que les esprits l’avaient estimée prête. Qu’ils avaient estimé la valeur de son pouvoir assez importante pour qu’elle se voit confier cette quête particulièrement risquée.

Soudain, un éclair illumina la nuit, éclair de lumière noire venue de la montagne. Il n’y avait pas de temps à perdre ; elle ne pouvait s’octroyer le luxe de prendre un détour. Les esprits l’accompagnaient et la protègeraient si le besoin s’en faisait sentir. Au matin, elle se dirigea vers le village le plus proche. A n’en point douter, son arrivée serait associée à l’éclair et elle ne serait pas bien accueillie, mais elle n’avait guère le choix. Effectivement, les gens se rassemblaient alors qu’elle pénétrait dans le village, la regardant d’un air sombre. A l’auberge, l’hôte l’accueillit de façon bourrue mais, une fois payé, il fut plus agréable et la mena à sa chambre. Il lui faudrait se méfier mais cela ne serait pas très long.

~~~~~~~~~~~~~~

Des visiteurs, encore. Pas qu’il se plaigne d’avoir de la clientèle mais ils allaient lui attirer des ennuis avec leur attitude bizarre. D’ailleurs, cette jeune femme était un total paradoxe ; accoutrée comme une voyageuse, elle ne montait pas comme une cavalière aguerrie. Apparemment fragile et menue, cela ne l’empêchait pas de voyager seule dans des contrées plus qu’hostiles en cette saison. Tout comme cet homme taciturne et sombre arrivé deux jours plus tôt et resté seulement une nuit. La montagne avait rugi dans la nuit suivant sa visite ; c’était le symbole que la cachette avait été violée… probablement par cet homme d’ailleurs. Et il était persuadé que cette fille venait pour la même chose, mais contrairement à l’autre, elle semblait rayonner de bonté et de générosité tandis que lui respirait la violence. Si l’homme venu auparavant était bien ce qu’il craignait, la jeune femme ne pourrait pas faire face seule. Il allait aussi falloir la protéger de la folie fanatique des gens du village. C’était son devoir en tant que survivant d’un ordre chargé de protéger la Pierre.

Ils n’avaient même pas attendu une heure. Elle venait d’arriver qu’ils étaient déjà dans son auberge, des fourches à la main, prêts à tuer cette jeune femme parce qu’elle arrivait le lendemain de la tempête noire.
« Bald. Laisse-nous nous occuper de cette fille. C’est elle qui vient avec la lumière noire de la montagne. Le prêtre voudra l’interroger, c’est certainement une hérétique.
- Voyons. Ne croyez vous pas que c’est une coïncidence.
- Tu sais très bien que les gens ne viennent pas ici quand ils se perdent. Ils cherchent quelque chose. C’est probablement une sorcière qui vient s’emparer de nos âmes.
- Avait-elle vraiment l’air d’une sorcière ? moi je l’ai trouvée plutôt jolie ; un peu maigre, c’est pas bien pour une jeune fille mais trop jolie pour être mauvaise.
- Elle cache bien son jeu.
- Je ne vous laisserai pas casser mon auberge messieurs. Vous ferez montre de votre foi un autre jour. Cette jeune fille avait l’air fatiguée et je ne veux pas qu’elle soit dérangée.
- Tu la protèges ?
- Non, je protège mon commerce. Vous n’avez pas vu le bijou qu’elle portait autour du cou ? Moi oui ; c’était bien trop beau pour être une pierre de sorcière. Et je ne tiens pas à ce qu’elle dise à ses riches amis qu’ici on est mal accueilli. Vous imaginez la ruine pour mon commerce.
- Un bijou ? Qu’était-ce ?
- Je ne sais pas vraiment, mais assez riche. Et ne vous avisez pas d’essayer de le voler, elle a l’air de tout de même savoir se défendre. Elle avait une dague à la ceinture. Pas de bagarres chez moi.

Les hommes quittèrent l’endroit sans demander leur reste mais néanmoins contrariés. Il fallait s’attendre à ce qu’ils reviennent avant peu, et avec le prêtre. Et si l’amulette que la jeune fille portait était bien ce qu’il pensait, elle était condamnée. Il ne fallait pas qu’elle reste longtemps. Il monta frapper à sa porte. Elle l’accueillit en le remerciant.
« J’ai tout entendu. Pourquoi avoir fait cela ? Vous risquez gros vous aussi.
- Vous êtes de l’Ordre de Klane, n’est-ce pas. » Ce n’était pas une question. « Alors c’était mon devoir. Ce serait trop long de vous expliquer, ajouta-t-il devant sa surprise. Sachez juste que les miens ont protégé la pierre depuis qu’elle est ici. Mais vous ne pouvez pas rester. Ils vont revenir ; et si la cachette de la pierre a été découverte, comme la lumière noire de cette nuit semble le prouver, il faut que vous la récupériez avant l’homme qui vous a précédée. Pour monter là haut, il faut que…

~~~~~~~~~~~~~~

Elle avait quitté le village secrètement, laissant son cheval à ‘l’aubergiste’ et partant à pieds au travers de son jardin. Il s’occuperait bien de l’animal qui n’aurait pu grimper dans la montagne de toute façon. La journée s’assombrit au fil des heures, et plus elle approchait de l’endroit où devait, d’après le vieil homme, se trouver l’entrée de la cachette de la pierre. Même s’il n’avait rien dit, elle aurait été attirée vers l’endroit, envahi par les ténèbres et avec une aura maléfique impressionnante. Une puissance qui l’intimidait, lui faisait peur. Avant d’entrer, elle fit le vide en elle ; la peur, la crainte ne lui seraient d’aucune aide, au contraire, elles risquaient de lui faire perdre le contrôle de ses pouvoirs.
Pourtant, elle ne put empêcher cette sensation d’étouffement en entrant dans le temple cachant la pierre ; ce fut par ailleurs une vision bizarre qui s’offrit à elle. Des hauts plafonds pendaient des chaînes nombreuses, toutes de confection plus terrible les unes que les autres. Elle sentit qu’un mauvais choix, une seule erreur provoquerait chez ces chaînes une réaction ; elles semblaient vivantes, agressives, comme si elles participaient à la protection de la pierre. Elle s’habitua à l’ambiance maléfique de l’endroit. Et même, alors qu’elle déambulait dans cette vision de cauchemar, il lui sembla possible de faire la différence entre les multiples auras présentes. Au cœur de ces chaînes se trouvaient des objets sombres, mais aucun ne dégageait la puissance qui devait émaner de la Pierre.
Elle ne toucha à rien pendant un long moment, quoique de nombreuses chaînes semblassent l’attirer ; ou plutôt, elle se sentait caressée par leurs ondes malfaisantes, sans pouvoir les rejeter mais sans non plus être blessée ou contrôlée par elles. Elle eut juste le sentiment de les absorber sans aucune difficulté, bien que cela fut une chose impossible. Certainement une impression et rien de plus. Tout comme cette sensation d’être observée.

Après ce qui lui sembla des heures, elle ressentit une force qu’elle n’avait jamais connue, plus puissante que tout ce qu’elle avait pu rencontrer jusqu’à présent. Elle ne put déterminer si la présence était humaine ou non, cela paraissait être un mélange d’auras. Certainement la Pierre dont les propriétés étaient nombreuses ; a priori, si elle en croyait ce que lui avait dit son maître, celle-ci pourrait même être capable de se défendre contre elle. Elle s’approcha de l’endroit qui l’attirait irrémédiablement, avec un désir de plus en plus fort, mêlé d’une crainte de ce qui allait arriver. Logiquement, son pouvoir était trop faible pour que la Pierre tente de l’absorber ce qui devrait lui permettre de la saisir et de l’enfermer dans un nœud magique dont la Pierre se nourrirait mais dont elle ne pourrait plus sortir avant qu’on ne trouve un endroit approprié pour la cacher ou bien la détruire. Elle allait se saisir d’une chaîne, lorsqu’à nouveau elle ressentit ce picotement derrière la tête, si spécifique à ces instants où quelqu’un vous regarde sans que vous le sachiez. Elle se retourna pour ne rien voir que d’autres chaînes, d’autres couloirs sombres. Dans lesquels quelqu’un pouvait bien se cacher… mais les auras maléfiques étaient tellement fortes en cet endroit qu’elle pouvait à peine les distinguer. Elles semblaient l’entourer pour brouiller ses perceptions et seule la Pierre ressortait parmi ces auras, plus forte et plus maléfique que les autres. Elle tira la chaîne, provoquant un vacarme épouvantable – des hurlements de douleur et de colère, comme un monstre que l’on réveille. Les chaînes environnantes l’entourèrent, se resserrèrent autour d’elle, telles des serpents qui étouffent leurs proies. Elle pouvait ressentir cette colère en son cœur comme si elle était sienne. Mais les chaînes tombèrent à ses pieds avant de s’élever toutes dans un seul mouvement.

Un autre bruit s’éleva dans la salle, celui d’une poulie et le plafond sembla s’effondrer lentement sur elle. Elle ne bougea pas ; elle était figée sur place dans l’attente de ce qui allait arriver. La Pierre était là, à portée de main, mais il ne fallait pas qu’elle bouge. Sa respiration se fit plus rapide, l’excitation de la réussit l’envahissant en même temps qu’un désir profond de partir sans attendre. Quelque chose lui disait de partir maintenant, qu’elle risquait plus qu’elle ne croyait en restant. Les paroles de son maître lui revinrent en mémoire « si tu sens que tu ne fais pas le poids, enfuis-toi. » Mais celle du grand maître résonnèrent aussi dans sa tête. « ne faillis pas. » Elle ne pouvait pas, pas maintenant qu’elle était venue aussi loin. Et la Pierre était là devant elle, au bout de ses doigts ; elle s’attendait à quelque chose de plus grand, d’effrayant. Mais non, la pierre aurait pu être une perle d’onyx le plus pur, brillant et sans aucune aspérité, aucun défaut : une merveille. Un leurre. C’était une arme terrible et dangereuse, tant qu’elle existerait encore. Respirant profondément, elle tendit la main ; une barrière invisible la stoppa. Une langue sombre s’échappa de la pierre et s’enroula autour de ses doigts, de sa main, de son poignet, de son bras et plongea en elle.

Son cœur battait à tout rompre tandis qu’elle sentait en elle l’exploration de la pierre ; si la puissance de la jeune femme lui semblait intéressante, elle l’absorberait puis tuerait le porteur. Du moins, c’est ce que disait les légendes. Mais cela n’arriva pas ; la pierre devint grisâtre, puis gris clair, puis blanche. Elle avait passé le test ; elle pouvait prendre la pierre. Sa puissance et ses buts étaient désintéressés, aucune haine, aucune colère dans son cœur, l’objet ne pouvait s’en nourrir. Elle saisit la pierre, et se retourna. Mais la voie de sortie était bloquée par une silhouette impressionnante ; l’homme – cela ne pouvait être qu’un homme – faisait au moins trois têtes de plus qu’elle et avait au creux de sa main une boule de ténèbres prodigieuse. Seul un grand maître de Enalk pouvait créer une telle force ; il voulait la pierre. Tout en observant celui qui allait falloir affronter, elle formulait le nœud de protection de cette dernière. Elle n’y réfléchit même pas, le mélange adéquat des forces des éléments, de la lumière et des ténèbres lui vint naturellement. Lorsqu’elle eut fini, elle-même fut surprise ; si elle n’avait pas su que l’objet était dans sa main, elle n’aurait pu le détecter. La pierre semblait avoir disparu ; son aura, sa présence était cachée. Elle la glissa dans la bourse de sa ceinture ne perdant pas des yeux son adversaire. Il semblait l’observer aussi, et elle put aussi voir la surprise sur son visage quand le nœud fut achevé.
« Tu es douée sorcière de Klane. » Un homme, avec une voix trop mélodieuse pour la haine qui en émanait. « Mais si j’en crois ce que j’ai vu, tu ne feras pas le poids contre moi. Même les balances ne peuvent absorber autant. »
Les balances ?? Qu’étaient les balances ? Elle ne répondit pas se concentrant sur la boule de ténèbres qu’il allait lui envoyer. Et effectivement elle vint, à une vitesse vertigineuse. Pourrait-elle l’éviter ?

~~~~~~~~~~~~~~

Elle se réveilla en sursaut ; il lui fallut la repousser dans le lit. Son visage était marqué par la peur et une surprise inquiétante.
« Calmez-vous mademoiselle. Vous avez été soumise à rude épreuve. C’est une chance que vous soyez encore en vie. »
Elle le regarda curieusement, une ombre passant derrière son visage. Une ombre qu’il n’aima guère. Avant que son visage ne se fende d’un sourire faible mais sincère. Elle semblait un peu perdue.
« Merci pour votre aide monsieur. »
- Je vous en prie. Avez-vous trouvé ce que vous cherchiez ? »
A nouveau une ombre passa sur son visage… différente cette fois-ci. Elle paraissait ne pas comprendre de quoi il parlait. Avait-elle gardé souvenir de ce qui s’était passé ? Elle avait dû avoir affaire à un homme de grande puissance. Il l’avait retrouvée une journée plus tôt dans les montagnes effondrée au pied d’un arbre. Le temple avait disparu, s’était effondré deux jours auparavant. Des éclairs noirs et blancs avaient déchiré le ciel et les montagnes les deux nuits et les deux journées précédant l’éboulement de la montagne et celle-ci avait aussi craché ce qui ressemblait à des flammes pendant la journée. Il avait alors quitté l’auberge pour se rendre là-haut et trouver la disciple de l’ordre de Klane. Il l’avait crue morte, une ombre noire immense et effrayante se repaissant de sa faiblesse. Pourtant, lorsqu’il s’était approché, le charognard magique s’était effacé, effrayé par sa présence – ou bien se cachant de lui. Cette présence l’entourait encore, comme si elle ne voulait pas laisser sa proie.
« Vous êtes montée chercher la Pierre noire pour l’Ordre j’imagine. »
Le nom provoqua des frissonnements ; et puis son visage se contracta dans une concentration qui prouvait que le mot lui disait quelque chose. Au bout d’un instant, elle lui demanda.
« Comment suis-je revenue ici ? »
Il lui expliqua ce qu’il avait pu déduire des événements dont il avait été témoin ; elle s’était certainement battu avec l’homme qui l’avait précédée dans les montagnes et l’avait probablement détruit, sinon il n’aurait même pas retrouvé son corps. Elle ne se souvenait pas du combat du tout mais d’yeux froids et cruels, dont la simple évocation provoqua un tremblement violent et un regard apeuré et fuyant. Quoi qu’elle ait pu voir ou vivre, sa mémoire l’avait éradiqué pour l’instant ; mais était-ce vraiment une bonne chose ? Et qu’allait-il advenir d’elle ? Il n’y avait que peu de personnes pouvant s’approcher de la Pierre. Devait-il la laisser partir et exposer le monde au danger qu’elle pouvait représenter maintenant ? Savait-elle même ce qu’elle était ? Se serait-elle rendue en ces lieux si elle l’avait su ? Qu’est-ce que le Conseil lui avait révélé et que devait-il lui apprendre ? Les villageois la laisseraient-ils même repartir ?

« Mademoiselle…
- Valine. C’est mon nom.
- Vous devez savoir quelque chose. Vous souvenez-vous de la couleur de la Pierre lorsque vous l’avez cachée ?
- Quoi ?
- Pour transporter la Pierre… vous avez du la cacher. Je ne peux pas la percevoir et j’en suis le gardien. Donc vous l’avez enchâssée dans un nœud neutre. Quelle était sa couleur ?
- Je ne sais pas… blanche je crois, pourquoi ?
Il trembla. Ses craintes étaient fondées ; le Conseil ne lui avait rien dit et elle ne savait pas quelle puissance destructrice elle portait en elle.
- Ecoutez il faut…
Il n’eut pas le temps d’aller plus loin ; en bas, on tambourinait à la porte avec violence. Des clameurs de haine s’élevaient devant l’auberge. Les villageois étaient effectivement revenus avec le prêtre.
« Ouvrez Bald. Tout de suite. Au nom de Rolnil. »
L’homme ne répondit pas et se tourna vers la jeune fille. Ils étaient arrivés plus vite que prévu ; une journée depuis le sanctuaire. C’était peu. Non, le prêtre avait dû commencer son trajet lorsqu’il avait vu les signes sur la montagne. Il fallait la sauver elle.
« Vous devez partir Valine. Il ne faut pas que ces gens vous attrapent.
- Pourquoi ? »
Elle avait posé cette question comme si ce qu’elle portait n’avait pas d’importance. A nouveau cette ombre dans son regard… non elle ne réalisait pas. Quelque chose en elle souhaitait faire face à ces gens.
« Parce que la Pierre doit être remise au Conseil le plus vite possible. Pour votre bien.
- Comment cela ?
- Ils ne vous ont pas dit ? peu de personnes peuvent se saisir de la Pierre sans être détruite par elle. On les appelle balances parce qu’elles…
- Ouvre la porte vieil homme, et livre nous la femme, sinon tu mourras avec elle.
- Demandez au Conseil de Klane, ils vous diront. Il faut qu’ils vous le disent. Maintenant, partez.

Mais elle paraissait bien trop faible pour s’enfuir ; elle se leva péniblement et laça le manteau autour de son cou. C’était trop lourd ; elle abandonna alors rapidement ses vêtements, sans se soucier de lui. Il ferma les yeux jusqu’à ce qu’une main effleure sa joue. Elle avait revêtu la robe de l’ordre ; peu importait ce que les villageois diraient. Ils savaient ce qu’elle était et ils venaient la tuer ; elle ferait face en étant digne de son ordre. Et elle souriait ; elle semblait tellement confiante qu’il finit par la suivre plutôt que la précéder sur le palier. Ils allaient la brûler ; ils étaient même venus avec les torches. Pas de jugement, jamais. Les prêtres de Rolnil ne jugeaient pas, ils condamnaient et tuaient. Avant même qu’il eut pu faire quoi que ce soit, des hommes se saisissaient d’eux et d’autres mettaient le feu à son auberge. Ce fut la dernière chose qu’il vit avant que tout ne sombre dans les ténèbres.

~~~~~~~~~~~~~~

Elle se tourna sur son cheval ; le village brûlait. Elle n’avait que des souvenirs flous de ce qui s’était passé dans les heures précédentes, même les jours précédents. Elle ignorait même combien de temps le combat dans la montagne avait duré car l’aubergiste Marl n’avait pas eu le temps de dire grand chose avant qu’ils ne le tuent. Tout s’était alors déroulé très vite et pourtant au ralenti, comme dans une autre réalité. Elle semblait ne plus en faire partie ; mais elle ne savait pas trop comment ce pouvoir s’était exprimé. Se projeter dans un autre plan astral était un pouvoir que seuls les maîtres détenaient. Mais elle ne voyait pas comment elle aurait pu échapper au massacre sinon. Une ombre s’était levé sur le village ; une malédiction probablement. Ou peut-être la dernière protection de l’ordre du vieil homme pour protéger la Pierre et empêcher quiconque de la prendre. Toujours est-il que la montagne s’était réveillée et avait craché ses flammes ; de la lave bouillante qui avait rejoint les bords des maisons plus vite qu’elle n’aurait pu le dire. La panique s’était emparée des gens et elle en avait profité pour se rendre aussi vite que ses jambes
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eärendil
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Message par eärendil »

Bon ben finalement il semble que je sois obligée de la faire en trois parties :roll:

La balance (partie 2)

Il l’attendait depuis des jours ; depuis son retour de sa propre mission il espérait voir sa silhouette se dessiner en premier plan de la forêt. Et même son accession au rang de maître n’avait pas eu le goût d’achèvement auquel il s’attendait. Il aurait voulu le partager avec elle, le vivre à ses côtés et voir son regard s’illuminer à son succès. Lorsqu’il la vit enfin arriver, il sut que quelque chose avait changé en elle. Il y avait une tristesse dans ses yeux qu’il n’avait jamais vu ; mais aussi une colère et une incompréhension inexpliquée. Qu’avait-elle vu là où on l’avait envoyée ? Il se dégageait d’elle une aura différente ; plus puissante, plus instable. Comme si elle avait acquis un pouvoir qu’elle ne comprenait pas. Peut-être même ne le percevait-elle pas. Il s’avança à sa rencontre mais elle sembla ne pas le voir tout de suite. En fait, ce fut seulement quand elle arriva devant lui qu’elle le remarqua. Ou du moins, ce fut l’impression qu’il eut.
« Valine. Quelle joie de te voir.
- Bonjour Maître, répondit-elle assez froidement. Avant de lui octroyer un de ses sourires dont elle avait le secret et qu’aucune femme qu’il avait pu connaître ne pouvait imiter. Et cependant, il y avait quelque chose de différent dans ce sourire.
« Je vois que tu dois recevoir des félicitations, dit-elle en pointant l’amulette blanche et la robe verte du jeune homme. Mais tu aurais pu attendre que je rentre pour la cérémonie, Narim le Vert.
- C’est le grand maître qui en a décidé ainsi. Mais cela n’avait pas la même saveur sans toi.
- Bien sûr.

Elle paraissait distante, ou peut-être était-ce simplement parce qu’elle avait vécu quelque chose que lui ne connaissait pas. Ils avaient été éloignés par les épreuves auxquelles ils avaient fait face. Il lui offrit néanmoins sa main pour descendre du cheval ; elle semblait fragile malgré cette force qui émanait d’elle. C’était une force troublante qu’il ressentit d’autant plus quand leurs mains se rencontrèrent, plus puissante que la sienne ; elle avait atteint le rang de maître mais dans des conditions manifestement plus violentes que celles que lui avait rencontrées. Il l’avait peut-être perdue pendant ces dix jours où ils avaient été séparés.
Alors qu’il la déposait au sol, il sonda son regard, mais il n’y vit rien qu’une ombre, comme si elle tentait de lui échapper. Pourtant, un sourire marquait ses lèvres, mais il ne lui ressemblait pas. Cela faisait deux fois en trop peu de temps ; quelque chose n’allait pas avec celle qu’il avait aimée depuis le premier jour. Il avait aimé l’enfant, la petite sœur, l’adolescente, la complice des mauvais coups, la magicienne, la meilleure amie de tous les instants, la jeune femme, dont il espérait que peut-être elle deviendrait son âme sœur.

Lorsqu’il la lâcha, elle sembla se dérober ; ses jambes ne la portaient plus. Et ses bras n’avaient pas la force de la retenir. Du bout des lèvres elle murmura « Aide-moi, » avant de s’évanouir. Elle était terrifiée, mais par quoi ? Et depuis quand s’évanouissait-elle ? Il n’eut guère le temps de se poser des questions car derrière lui des membres du conseil arrivaient rapidement. Pour la seconde fois, le Grand Maître lui-même s’inquiétait de ce qui arrivait à la jeune femme. Où l’avaient-ils envoyée et à quoi l’avaient-ils exposée ? Valrec arriva aussi, le souci sur son front visible tout comme les cernes qui évoquaient de nombreuses nuits sans sommeil. En quelques instants, il fut déchargé de son fardeau et se vit ordonner de ne pas tenter de voir Valine avant qu’il ne soit un temps approprié. Ils repartirent aussi vite qu’ils étaient arrivés, laissant Narim et le maître de la jeune femme seuls au centre de la cour principale.
« Qu’est-ce que cela signifie Valrec ?
- Je ne suis pas sûr…
- Mais vous avez une idée. Sinon, vous ne vous seriez pas éclipsé du sanctuaire le jour de notre départ. Qu’avez-vous dit à Valine ?
- Quoique j’ai pu lui dire, cela n’a apparemment pas suffit. » Il soupira avec tristesse. « Je lui ai dit de ne pas chercher à défier des forces qui lui semblaient trop puissantes pour elle. Mais elle ne m’a pas écoutée.
- Pourquoi une telle mise en garde ?
- J’ai l’impression que le conseil ne m’a, ne nous a pas tout révélé à propos de cette enfant. Et si je ne me trompe pas, elle repartira en mission aussitôt sur pied.
- Quoi ?
- Savez-vous ce qu’elle est allée chercher Narim ?
- Non, mais cela ne peut…
- La Pierre Noire.
Il eut un haut-le-cœur. Ils avaient envoyé sa petite sœur, son double, son âme chercher une Pierre qui pouvait corrompre et détruire tout ce qu’elle touchait. Manifestement, il y avait autre chose mais Valrec ne pouvait pas aborder le sujet dans la cour principale. Il posa avec gentillesse sa main sur son épaule.
« Venez, allons boire un verre. Vous en avez besoin manifestement Maître Narim. »

~~~~~~~~~~~~~~

Le noir. La peur. La haine. La colère. Et puis le désir violent de blesser, de tuer. Des corps qui s’entrechoquent dans une étreinte brutale, sauvage. Et ces yeux. Des flammes. Des gens la regardant avec colère. Des corps brûlés. Et à nouveau ces yeux. Et ces mains s’enroulant autour de son cou dans une étreinte mortelle. Et ces yeux plein d’envie, de luxure, de mal ; ils allaient la tuer avec un plaisir malsain. Elle hurla se redressant violemment, tremblante et terrifiée. Son cœur battait à tout rompre, sa respiration était rapide, entrecoupée de sanglots. Où était-elle ? Ses yeux cherchaient quelque objet connu, un repère qui lui rappellerait un endroit sûr, tranquille.
« Du calme Valine. »
Elle sursauta ; elle n’avait pas senti la présence à côté d’elle. A ses côtés se trouvait le Grand Maître. Il semblait soucieux et n’avoir pas dormi pendant plusieurs jours. Elle reprit contrôle d’elle-même, cessa de pleurer, mais ne parvint pas à empêcher le tremblement léger qui la secouait.
« Maître… Pardonnez-moi.
- Ne t’excuse pas. Apparemment tu as bien rempli ta mission et cela t’a marquée. C’est normal. Tu as même acquis la puissance des maîtres du second degré. C’est surprenant. Je suis fier de toi.
- Merci maître, répondit-elle par automatisme plus que par réelle fierté.
- Prends des forces. Demain, tu as audience devant le Grand Conseil. Il se peut que nous te confions une autre mission avant de t’élever au rang de maître.
- Pourquoi moi ?
- Parce que tu es la seule à pouvoir remplir ce rôle. Tiens bois ceci. Cela évitera les cauchemars.
Il lui tendait un verre contenant un liquide bleuté aux odeurs de pins et de violette. Elle l’avala espérant qu’il aurait effectivement les effets escomptés. Depuis cette journée où elle avait quitté l’auberge de Bald, elle ne se souvenait pas d’une nuit sans ces yeux. Elle finit par s’endormir ; les questions viendraient le lendemain.

Son sommeil avait été moins perturbé mais elle restait agitée et effrayée. Combien de temps avait-elle passé dans l’infirmerie ? Que voulait le Grand Conseil ? A part la Pierre qu’ils lui demanderaient nécessairement… Valrec vint la voir ce matin là. Il posa sa main sur la sienne juste un instant ; il paraissait soucieux. Si elle n’avait pas su qu’il s’inquiétait facilement pour elle, elle l’aurait cru effrayé en sa présence. Mais l’ombre passa et il sembla juste soucieux de lui dire qu’il serait présent avec elle pour sa rencontre avec le grand conseil et qu’il exigerait de partir avec elle durant la mission qu’on allait lui confier. Narim n’avait pas pu venir, on le lui avait interdit. Il l’aida à s’habiller, comme il l’avait souvent fait dans son enfance puis la mena jusqu’à l’entrée de la grande salle d’audience. Là, il la laissa rentrer seule et se glissa dans un autre couloir pour aller s’installer dans les coursives pour assister à la réunion. Manifestement, c’était une séance ouverte car tous les maîtres étaient présents. Elle aperçut Narim parmi eux ; elle eut un moment d’envie qui s’échappa alors qu’elle ne se souvint que du bonheur qu’elle éprouvait pour sa réussite. En face d’elle, le Conseil des douze. Elle s’avança.

« Bienvenue jeune Valine, commença le Grand Maître. Tu as manifestement rempli ta mission puisque ta puissance est désormais équivalente à celle de ton maître Valrec. Dis-nous ; comment as-tu protégé la pierre ? Nous savons de source sûre que tu as été suivie, voire précédée. Où est-elle ?
- Ils ne la trouveront pas. Vous non plus d’ailleurs. Cette Pierre est en lieu sûr et personne n’y touchera avant que je ne détermine ce que vous ne m’avez pas dit.
Il y eut des murmures de protestations dans la salle ; une apprentie remettait en question le grand conseil et refusait de répondre à ses questions.
« Tu es bien arrogante, s’insurgea Olrin le brun, qui siégeait à la droite du grand maître. Qu’est-ce qui te fait dire que tu l’as correctement cachée ? Peut-être nos ennemis ont-ils déjà mis la main dessus.
- Il n’y a aucun risque. Mais je veux bien vous montrer.
Elle sortit le poignard qui lui avait été remis avant son départ ; elle constata même avec surprise qu’il avait servi. Il était maculé de sang, mais elle ne parvint pas à se souvenir comment ce dernier était arrivé là. Cela n’avait pas grande importance de toute façon. Elle commença à élaborer le nœud qu’elle avait créé dans la montagne ; le poignard s’éleva devant elle entouré de feu, puis d’air créant un nœud hautement instable qu’elle compensa d’abord avec la terre puis l’eau. Elle éleva ensuite les protections de lumière et de ténèbres qu’elle avait conjurées ce qui semblait une vie auparavant. A nouveau des murmures s’élevèrent, mais elle ne les entendait presque pas. Et soudain un cri de surprise.
« Où est l’arme de l’Ordre, jeune effrontée ?
- Sous vos yeux messieurs, seulement vous ne la voyez plus. Moi non plus, mais je sais qu’elle est là.
- C’est impossible. Grand Maître, cette enfant se joue de nous.
- Je n’en ai pas l’impression.
- Cela ressemble à une vulgaire illusion de voleur de grand chemin ; c’est indigne des magiciens de Klane. »
La remarque la piqua au vif ; elle, indigne de l’Ordre alors qu’ils l’avaient envoyée à une mort certaine et qu’ils n’avaient même pas révélé la présence d’un gardien ou même de quoi que ce soit sur le lieu où se trouvait la Pierre. A mesure que son discours tombait, elle sentait une colère s’emparer d’elle qu’elle eut beaucoup de mal à contrôler.
- Non, ce qui est indigne de l’Ordre c’est de ne donner que des informations partielles à la personne que vous chargez d’une mission vitale pour nous. Qui sont les gardiens de la Pierre ? Pourquoi avoir caché cette pierre dans un endroit où vous, moi sommes condamnés à mort ? Et pourquoi ? Pourquoi l’Ordre d’Enalk avait-il déjà envoyé son émissaire là-bas ? Un homme est mort pour me protéger et je ne sais même pas pourquoi. Et que sont les balances ? L’envoyé d’Enalk les a mentionnées aussi. Pourquoi ?
- Cela fait beaucoup de questions jeune demoiselle. Et nous n’avons pas toutes les réponses. Mais je dois dire que cette protection est impressionnante ; on croirait presque que le poignard n’est plus là. Et je ne ressens pas non plus les traces de magie utilisée. Ceci étant dit, ce n’est pas surprenant puisque vous avez utilisé un élément ténèbres qui neutralise la lumière. Et nous ne sommes pas capables de percevoir le neutre. Ceci étant dit, vous ne devriez pas savoir utiliser cet élément particulier. Quant à ce cours d’histoire que vous demandez, c’est à Marlin le Gris de vous l’expliquer.
- La présence des gardiens nous était cachée. Nous n’ignorions pas qu’à une époque ils existaient mais on les croyait éteints, disparus lors des bûchers organisés par les fidèles de cette bizarrerie qu’est Rolnil. A l’origine, l’endroit était protégé par l’Ordre de Klane et l’Ordre des gardiens. Si la pierre a été retirée et que les villageois ont tenté d’arrêter son porteur j’imagine que le volcan s’est déchaîné. La terre reste la meilleure protection ; si le porteur ne pouvait s’échapper mieux valait qu’il meure. Quant à l’envoyé d’Enalk, ils ont manifestement pris de l’avance sur nous. Ce qui nous amène à ce que vous allez devoir faire maintenant. Grand Maître.
- Valine. Vous, Valrec, parce que je sais qu’il ne voudra pas que vous partiez seule, il était déjà furieux lorsque je lui ai dit où vous vous rendiez, et dix autres maîtres allez partir pour une seconde mission. Il faut retrouver la Pierre Blanche. »

Ils étaient impressionnants à discuter de ce qu’elle avait fait, ce qu’elle avait vu et de ce qu’elle allait faire sans s’inquiéter de ce qu’elle avait pu vivre, ressentir et sa colère qu’elle contenait. C’était bizarre. Elle n’avait jamais remis en question ce qu’on lui avait demandé. Parfois elle avait défié l’autorité mais jamais sérieusement. Seulement là, elle n’avait qu’une envie c’était de les envoyer à Shenloï et s’occuper d’elle.
« Bien sûr, mais si l’envoyé d’Enalk n’a pas pu déterminer la place de la Pierre Noire parce qu’il était lui-même trop imprégné de Mal, je ne vois pas comment nous pourrions déterminer l’emplacement de la Pierre Blanche. En outre, vous ne m’avez toujours pas dit ce qu’était les balances.
- Les balances n’existent plus. Elles ont disparu peu après que les Pierres eurent été cachées. Détruites par les Ordres car trop dangereuses.
- Ca ne me dit pas ce qu’elles étaient. Et pourquoi les sorciers d’Enalk croient que j’en suis une.
- Blasphème et sacrilège., vociféra un autre membre du Conseil. Comment pouvez-vous dire une telle chose ?
La salle lui parut soudain noyé dans un brouhaha de murmures, de bruits insupportables, de voix qui lui criaient après avec moquerie, de doute. Narim la regardait perplexe.
- Silence. Silence, dit le Grand Maître. Valine, nous n’avons pas toutes les réponses je te l’ai dit. Ce que je sais, c’est que les pierres doivent être protégées et cachées à nouveau si l’on veut maintenir l’équilibre. Et nous devons le maintenir. Nous avons besoin que tu acceptes cette tâche, car, tu as touché la pierre Noire. Tu seras capable de déterminer l’emplacement de la Pierre Blanche. Enfin, sa cachette exacte car nous avons découvert à quel endroit elle se trouve.
- Parfait. Et devrais-je encore faire face à une horde de villageois qui ne souhaiteront que ma mort et celle des gens qui m’ont aidée. Comme ce pauvre Bald ? Non parce que dans ce cas, je préfère partir seule.
- Non cette fois, tu voyageras dans des contrées connues et accompagnée. En outre, tu voyageras incognito.
- Encore ?
- Oui, mais avec une garde rapprochée. Ainsi en a-t-il été convenu avec le comte de Lyrvane. Il nous laisse une armée de deux cents soldats plus les onze maîtres qui t’accompagneront pour former un cercle complet. Et vous ramènerez la pierre. »

Une partie d’elle-même voulait s’insurger, refuser. Mais elle savait aussi qu’elle se devait à l’Ordre. C’était sa vie, son destin… de plus, ils n’avaient pas la Pierre Noire. Elle hocha la tête, donnant son accord, même si elle savait que, d’une certaine façon, elle n’avait guère le choix. Au moins Valrec l’accompagnerait. Peu de temps après, Narim se joignit au groupe, ainsi que neuf autres maîtres, dont Olrin le Brun ce qui ne l’enchantait guère. Elle ne l’aimait pas vraiment mais il le lui rendait bien ; depuis toujours il avait mis un frein dans sa progression, s’opposant systématiquement à son entrée dans le degré supérieur. Que lui avait-elle fait ? Probablement son côté misogyne.

~~~~~~~~~~~~~~

Il surveillait la caravane ; plus de deux cents hommes associés à cette mission. Il ne comprenait pas trop le but de ceci. Les membres de l’Ordre de Klane avaient toujours voyagé discrètement, c’était leur plus grande force. Ils pouvaient ne pas se faire remarquer et remplir des tâches dont des grands groupes, comme celui qu’il conduisait, ne pouvaient se charger. Le Grand Maître avait dit que les esprits en avaient décidé ainsi ; d’après lui, il fallait protéger Valine. Et le comte de Lyrvane était un homme de confiance. Ancien membre de l’Ordre, il avait regagné le monde à la mort de son père pour prendre sa succession. Selon les souhaits de ce dernier, il avait été formé dans les anciens rites afin de faire face aux situations qui allaient se présenter. Le comte semblait d’ailleurs savoir plus de choses que lui-même sur les tenants et les aboutissants de cette mission.

Valine avait été installée dans une litière, trop faible encore pour monter à cheval. Il était surpris de constater qu’elle mettait autant de temps à se remettre. En outre, il avait été décidé que, pour ce trajet, elle passerait pour la jeune fiancée du comte et donc ne monterait pas. La jeune femme semblait s’enfermer petit à petit ; elle souriait moins, communiquait moins aussi. Parfois, dans son regard, il pouvait voir une ombre qui l’inquiétait. Le Grand Maître avait dit qu’il était probable que cela soit une légère influence de la Pierre Noire qui restait dans son esprit. Comment sinon aurait-elle pu utiliser les ténèbres pour cacher la dague ? Aucun membre de Klane ne maîtrisait cet élément particulier.

Mais Valrec sentait qu’autre chose se cachait derrière cette protection ; comme s’il craignait que quelque chose ne se passât. Narim quant à lui semblait un peu perdu. Il ne pouvait approcher Valine aussi souvent qu’il le souhaitait et cela le perturbait. Il était très attaché à la jeune femme, certainement amoureux, mais elle ne lui appartenait pas. Elle ne s’appartenait même pas ; car ainsi qu’elle avait été éduquée, sa place, comme toutes les femmes de l’Ordre, serait dans le monde, aux côtés d’un homme qu’elle guiderait. Et si ses soupçons étaient fondés, le comte de Lyrvane n’était pas seulement un prétendant fictif. Il espérait plus que probablement prouver qu’il la méritait en menant à bien la mission.

Dans son cœur, Valrec ressentit un léger pincement ; cette enfant avait été sa charge depuis son plus jeune âge et il ne souhaitait pas véritablement la laisser partir. D’une certaine manière, il espérait qu’elle démontrerait ses capacités à siéger au Conseil et donc à rester au temple. Cela faisait près de deux siècles qu’aucune femme n’avait siégé dans cette institution. Mais il sentait en elle une force bien plus grande, peut-être même plus puissante que celle du Grand Maître. Et, honnêtement, cela l’inquiétait, car elle n’aurait pas dû atteindre ce niveau avant une bonne vingtaine d’années. Quelque chose s’était passé dans ces montagnes qui avait changé sa protégée, mais il n’arrivait pas à savoir quoi. Et la jeune femme restait très secrète ; peut-être même ne se souvenait-elle pas. Seuls ses cauchemars laissaient paraître une certaine conscience de ce qui était arrivé ; et elle avait empêché les hommes de dormir plusieurs fois avec des hurlements terribles qu’elle ne pouvait même pas contrôlés. Elle se réveillait chaque nuit en sueur, effrayée, terrifiée même, sanglotant comme une enfant, mais refusant de parler de ce qu’elle voyait mis à part des yeux sombres et brûlant qui semblaient vouloir la posséder, la réduire à néant.

Avec les jours, ces cauchemars diminuèrent, ou elle prit le contrôle dessus il l’ignorait. Le comte de Lyrvane passait beaucoup de temps avec elle, au grand dam de Narim. Au bout d’une semaine, elle finit par pouvoir chevaucher avec le reste de la caravane. Emmitouflée dans une cape offerte par le comte, elle se porta aux côtés de son confident de toujours. Il n’entendit pas leur conversation mais se réjouit d’entendre son rire résonner à nouveau ; pas aussi joyeux, il laissait transparaître un malaise latent. Mais il égayait la compagnie. Pendant quelques jours tout sembla reprendre un cours normal.

Le premier incident arriva une nuit ; un éclair tomba sur une tente tuant trois hommes dans l’instant, malgré l’absence suspecte d’orage. La toile s’enflamma créant un brasier immense qui menaça un instant de se propager ; une réaction rapide du comte endigua l’incendie. Le jour suivant les poules emmenées ne pondirent pas d’eux et la moitié mourut. Ce fut ensuite l’eau qui devint non potable emmenant dans sa déchéance dix hommes qui souffrirent plusieurs heures avant de rendre l’âme. Et plus, ils approchaient du lieu où se trouvait la Pierre, plus les incidents se multipliaient. Son instinct lui disait que cela était lié à Valine mais il ne pouvait comprendre comment et pourquoi. Parti deux cents, ils arrivèrent privé de cinquante hommes dans la dernière ville avant le sanctuaire.

Ils laissèrent là l’armée de Lyrvane et partirent à treize ; les douze hommes et la jeune femme chargée de ramener la Pierre. Celle-ci semblait totalement concentrée sur ce qu’elle devait faire et ne remarquait pas la lutte qui s’était engagée entre Narim et le comte. Les deux hommes tentaient de gagner ses faveurs mais sans y parvenir. Elle semblait plus proche du magicien mais elle avait grandi avec lui… Mais même dans sa relation avec son ami, elle avait changé ; plus douce mais en même temps, plus distante. Elle ne l’aimait pas ; elle n’était pas ou plus amoureuse de lui et il ne pouvait pas le voir.

~~~~~~~~~~~~~~

Il regardait la jeune femme entourée de ces hommes ; si le comte avait une petite idée de ce qu’elle représentait, il n’en allait pas de même pour Narim ou Valrec. Ils ne réalisaient absolument pas ; enfin, Valrec semblait avoir deviné quelque chose. Mais il était bien trop proche d’elle pour prendre des décisions claires. Ils étaient tous ainsi ; ils n’avaient jamais pris au sérieux son avertissement. Sans même s’en rendre compte, elle avait mis l’ensemble du temple à ses pieds. Ses escapades auraient valu à n’importe quel autre élève une punition exemplaire mais elle avait toujours réussi à s’en tirer à bon compte. La seule punition sérieuse qu’elle avait reçu, c’est lui qui lui avait administrée. Il ne pouvait nier que la jeune Valine avait cette dose d’innocence, de force mêlée de fragilité et cette gentillesse qui attirait tous les hommes, mais même s’il était le seul, il lui fallait garder la tête sur les épaules. Douze hommes, pour protéger, surveiller, cette jeune fille ; était-ce suffisant ?

Depuis le début des incidents, il attendait un coup d’éclat qui ne venait pas ; et pourtant son instinct lui criait de ne pas baisser sa garde. Quelque chose allait se produire qu’il ne pouvait pas voir. La majorité des membres de la caravane avait attribué la multiplication des accidents à l’arrivée vers le lieu où se trouvait la pierre. Mais selon lui c’était lié à Valine ; plus la jeune femme semblait contrôler ses rêves, plus les incidents étaient fréquents. Il fallait qu’il parle à Valrec et à Narim. A un moment, un choix s’imposerait peut-être à eux, seraient-ils capables de prendre la décision qui servirait l’intérêt du plus grand nombre ? Le pire pour lui était que la jeune femme ne semblait se rendre compte de rien.

Un soir, le dernier soir, il ordonna un bivouac au haut de la falaise de Bilsk. La Pierre se trouvait en bas, aussi près de l’eau et exposée aux vents que la Pierre noire avait été près du feu et de la terre. Il espérait parler avec Valrec mais ce dernier s’était retiré sous sa tente pour méditer. Il était assis près du feu lorsqu’une silhouette entra dans son champ de vision : Valine.
« Maître Olrin je voudrais vous parler.
- Que se passe-t-il ? demanda-t-il un peu sèchement.
- Je sais que nous ne nous entendons pas Maître, mais je crois qu’en l’occurrence ce sera plus utile. Je veux un conseil qui ne vienne pas d’un ami. De quelqu’un qui ne cherchera pas à me rassurer.
- Il semble que vous ayez sonné à la bonne porte. Je ne suis pas très enclin à vous laisser tout passer. On ne vous a pas assez punies mademoiselle, et je ne suis pas certain que vous soyez prête à devenir Maître de l’Ordre.
- Cela je ne le nie pas. Je ne me sens pas prête moi-même… Ce nœud de forces que j’ai créé devant vous, je ne sais même pas comment je l’ai fait. Cela vient tout seul, je n’ai pas un véritable pouvoir dessus. Et cela me fait peur ; je perds le contrôle depuis la montagne. Quand je n’en rêve pas, j’ai l’impression que je ne m’appartiens pas vraiment. Même dans la journée, c’est comme si j’étais déphasée. Je suis là mais ce n’est pas vraiment moi. Je ne sais pas trop comment l’expliquer. Mais cela me laisse un sentiment d’écœurement et de colère qui ne m’appartiennent pas vraiment.
Il la regarda surpris ; peut-être après tout méritait-elle de devenir un des douze membres du Conseil. Elle en avait en tout cas la sagesse. Elle se rendait partiellement compte de ce qui était en train de se passer en elle, même si elle ne pouvait pas totalement le réaliser. Il la jaugea d’un œil neuf. Certes, il ne fallait pas la favoriser, mais en venant le voir et en admettant cette faiblesse, cette peur, elle avait prouvé sa vraie valeur.

« Vous semblez être sensible à vos pouvoirs comme rarement le sont les jeunes Maîtres Valine. Il est encore rare que quelqu’un admette ne pas les contrôler. Enfin, à votre âge et dans votre situation. C’est une preuve de sagesse. N’ayez pas l’air si surprise que je vous fasse un compliment. Etre impartial, cela fonctionne en toute situation. » Il soupira. « Je vais vous dire une chose qui vous sera probablement utile ; en tout cas je l’espère. La raison pour laquelle vous semblez ne plus appartenir parfois, c’est à cause de la Pierre Noire. D’après ce que l’on en sait, elle peut corrompre la plus pure des personnes. Vous avez presque trop bien fait face à ce pouvoir, comme si vous l’aviez absorbé. Sauf que vous n’êtes pas non plus la perfection du bien incarnée. Vous avez vos faiblesses, vos doutes. La pierre s’en nourrit. Quand vous avez un moment de faiblesse, les forces qui l’animent en profitent et vous enveloppent. Lorsque vous dormez vous êtes vulnérable et donc elles ont partiellement raison de vous. C’est la raison pour laquelle vous êtes la seule à même de trouver la Pierre Blanche. Physiquement, il faut que vous rétablissiez l’équilibre entre les forces positives et négatives.
- Je crois que je comprends. Et que se passera-t-il si on ne trouve pas la Pierre, ou que l’Ordre d’Enalk la trouve avant nous ?
- Honnêtement ?
- Oui… je suis venue vous voir pour que vous me disiez la vérité. Pas de bons sentiments.
- Je ne le sais pas. On dit que cela finit par vous tuer, parce que c’est contre votre nature, comme la pierre blanche finirait par tuer un membre d’Enalk. Ou alors vous finissez par vous dédoubler, deux vous entre le Bien et le Mal. Et si l’on veut l’éviter…
- Vous devrez me tuer, c’est ça ? C’est pour cela qu’on a envoyé douze Maître, car le comte est un Maître aussi n’est-ce pas ? vous n’êtes pas la pour me protéger. Vous êtes là pour détruire le pouvoir de la Pierre Noire si l’Ordre d’Enalk prend possession de la Pierre Blanche. »
Ce fut un véritable choc ; elle savait ce qui l’attendait. Et cela ne semblait pas l’effrayer. Enfin, disons qu’elle paraissait sereine même en sachant ce qui allait se passer. Peut-être même plus qu’au moment où elle l’avait rejoint. Elle faisait preuve par ailleurs d’une intelligence de la situation hors du commun. Il la regarda avec une certaine admiration alors qu’elle le remerciait et retournait sous sa tente. Il avait affaire à une petite femme assez extraordinaire ; il fallait désormais que Valrec et Narim soient dignes d’elle et de son réalisme face à son destin.

~~~~~~~~~~~~~~

Elle savait maintenant avec certitude ce qui l’attendait ; c’était la mort. C’est ce que les yeux de son rêve lui avait signifié. Elle avait vu la mort dans ces yeux, et tellement d’autres choses qui la terrifiaient. Et au fur et à mesure des nuits, des souvenirs refaisaient surface qu’elle ne comprenait pas. Elle ne rappelait pas avoir fait ces choses, cette mémoire n’était pas vraiment la sienne et pourtant étaient arrivées dans sa vie. Qu’est-ce que cela signifiait ? Elle ne voulait pas en parler à Olrin car ils l’auraient tuée tout de suite. Mais plus ils approchaient du lieu où devait se trouver la pierre, moins elle se reconnaissait. Une présence semblait la suivre, comme une ombre que personne d’autre qu’elle ne pouvait sentir. Cachée derrière une protection, cette ombre avait poursuivi la caravane de sa malédiction. Qu’était-ce ?

Une fois encore, elle dormit mal, une fois encore elle eut l’impression de ne plus s’appartenir. Et pourtant, elle savait qu’une partie d’elle-même était là ; l’autre elle l’ignorait. Ces voiles sombres qui semblaient la noyer étaient-ils seulement une réminiscence de la Pierre Noire ou autre chose ? Elle ne pouvait le déterminer et cela l’angoissait. Et plus l’angoisse prenait le dessus, plus ces voiles semblaient s’épaissir autour d’elle la noyant de colère, de peur, de haine et de choses qu’elle préférait ne pas nommer. Plus elle tentait de chasser ces fantômes, plus puissants ils devenaient et moins elle se contrôlait.

Ce fut d’ailleurs dans une certaine forme de brume qu’elle passa la matinée du lendemain. Elle semblait éloignée des gens par un voile neigeux qu’ils ne voyaient pas. Elle ne les entendaient pas très bien, comme si approcher de la Pierre l’éloignait des hommes qui l’entouraient. Elle eut l’impression de tomber soudainement dans un gouffre sans fin, alors que dans un éclair de lucidité elle comprenait. Lorsqu’elle était allée chercher la Pierre Noire, elle s’était protégée en faisant appel à tout l’amour et le bien qu’elle avait en elle ; ainsi, seulement ainsi elle avait pu déterminer où se trouvait la Pierre. Là, au creux des embruns salés il allait falloir qu’elle se laisse envahir par la haine et la colère pour approcher la Pierre blanche. Et au cours de ces instants, elle risquait de tuer ses compagnons. Elle fut parcourue d’un violent frisson auquel répondit comme en écho un rire démoniaque qui la figea sur place. Elle s’entendit murmurer ‘fuyez’ avant que tout devienne sombre comme les enfers et que quelque chose de plus puissant qu’elle prit possession de ses émotions. Des images heurtèrent sa mémoire avec une violence inouïe et elle n’eut d’autre choix que de se laisser noyer dans cette mer de douleur provoquée par elle-même.
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eärendil
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Message par eärendil »

Pour une raison qui m'échappe, il y a quelque chose qui me dérange... Peut-être pourrez-vous me dire quoi ;)

La balance (partie 3)


Il l’avait observée dans la matinée ; elle était déjà dans un autre monde. Bientôt elle deviendrait dangereuse. Il avait du mal à croire que cette jeune femme, débordante d’amour et de générosité, puisse devenir un instrument de la Pierre. Mais alors qu’il la guidait entre les arêtes rocheuses qui menaient au temple souterrain il dut se rendre à l’évidence que l’ombre qui l’entourait depuis quelques jours devenait plus dense. Lorsqu’elle se figea, il saisit Narim par la main et le tira vers l’arrière. C’était désormais hors de leur contrôle ; la jeune femme était sous le contrôle des puissances négatives que seul le contact de la Pierre blanche annulerait. Seulement, il n’avait pas pu voir, ni prévoir ce qui se passa ensuite.

Alors que le voile noir entourant la jeune femme s’épaissit pour la faire disparaître complètement, d’autres silhouettes apparurent autour d’eux : douze. Comment avaient-ils pu se cacher de la caravane pendant si longtemps ? Des boucliers de protection furent aussitôt levés, les deux cercles se formant instantanément. Les douze membres de Klane étaient liés l’un à l’autre et les pensées de chacun accessibles à ses compagnons. Il regarda vers l’endroit où Valine se trouvait un instant plus tôt. Un treizième homme se glissait vers elle, un regard brûlant couvant les brumes noires qui cachaient la jeune femme. Dans ce regard, de la haine, de la colère mais aussi un désir violent de posséder ce qui se cachait derrière ces voiles, ainsi qu’un air de triomphe qui le blessa plus encore que le reste. Il avait prévu et attendu ce moment. Une clameur surprise s’éleva autour de lui lorsque les brumes noires s’enflammèrent. Son rythme cardiaque s’accéléra, alors que lui-même craignait ce qui allait être révélé.

Valine n’avait pas changé, enfin physiquement ; mais son regard brûlait comme celui de l’homme qui se tenait debout à ses côtés. Ce visage si doux, et parfait était déformé par une haine incommensurable. Pourtant, lorsqu’elle leva les yeux vers l’homme qui se trouvait à ses côtés, elle sourit – si l’on pouvait appeler ce rictus un sourire – et saisit avec violence et passion sa bouche dans la sienne. Un cri déchirant perça le silence derrière lui : il ressentit comme si elle était sienne la douleur de Narim. Le jeune homme n’avait pas vu ce qui allait se passer ; malgré les avertissements d’Olrin, il n’avait pas cru que sa petite sœur, celle qu’il avait aimée, pût se révéler être un potentiel médium du mal. Ce baiser sembla long comme l’éternité et personne n’osa intervenir comme si chacun se doutait que la fin amènerait un combat qui les condamnerait tous. S’il n’y avait eu qu’un seul maître, ils auraient pu en venir à bout. Mais à douze contre quatorze, ils n’avaient aucune chance. Pourquoi n’avaient-ils pas pu voir cela venir ? Valine à nouveau ?

Au bout d’un moment qui sembla durer une éternité, les lèvres gonflées de plaisir se séparèrent, marquées de sourires mesquins. Il n’avait jamais connu un silence plus bruyant ; mais l’homme le brisa.
« Comte de Lyrvane. Voilà bien longtemps qu’on ne vous a pas vu ailleurs que sur vos terres.
- Qui êtes-vous ?
- Oh, suis-je bête, je ne me suis pas présenté. Je suis le Grand Maître d’Enalk.
Il fut projeté en arrière par une force magique bien supérieure à celle de tous les membres de Klane réunis ici et qui, de fait, avait transpercé leur cercle. Ce fut Olrin qui réalisa que la jeune femme avait mêlé son pouvoir à celui de l’homme. Pourquoi ?
« Vous auriez du me dire ce qui m’attendait lorsque je suis partie pour la montagne Maîtres. Parce que, au moins, j’aurais su à quoi m’attendre. Et peut-être que les gens de ce village seraient encore en vie.
- Valine, qu’as-tu fait ?, demanda à côté de lui un Narim anéanti par ce qui se passait.
- Valine, qu’as-tu fait, répéta-t-elle avec une ironie douloureuse. Je me suis protégée espèce d’idiot. Ils voulaient me brûler. Quel dommage ! Ce sont eux qui sont morts par les flammes. Je dois dire que le volcan m’a surprise par la violence de son explosion. J’ai cru que j’y resterai, mais le risque en valait la peine. Ce prêtre a tout de même eu le temps de comprendre que c’était ses entrailles qu’il tenait dans ses mains avant d’être avalé par la lave du volcan.
Un frisson d’horreur parcourut l’ensemble des membres de l’ordre de Klane. La petite prodige ne pouvait pas avoir commis de telles horreurs ; même la Pierre Noire ne pouvait pas avoir cet effet sur elle.

« Vous semblez perplexes messieurs. Peut-être faut-il que je vous explique ce qui s’est effectivement passé là-haut. Car ma petite Valine ne s’en souvient pas très bien. Elle est tout de même jeune ; vous avez envoyé un agneau dans l’antre du loup. Enfin, un agneau qui a une morsure empoisonnée tout de même. J’ai été un peu surpris de la résistance qu’elle a offerte…
- Cela ne vous a pas un peu amusé tout de même, demanda l’intéressée avec une moue boudeuse.
- Si beaucoup, enfin après que j’ai réussi à te maîtriser. Enfin bref, je savais que je ne pourrais accéder à la Pierre seul, donc je l’ai laissé faire. Savez-vous qu’elle est a un potentiel quasi infini cette enfant ? Peut-être est-elle plus forte que l’ensemble des deux ordres assemblés. Mais vous ne le lui aviez pas dit et donc elle s’est servi de ce qu’elle avait pour me contrer. Sauf qu’elle n’avait pas encore totalement absorbé et équilibré les forces de la Pierre Noire. Donc mes attaques sombres successives qu’elle a tenté d’emmagasiner par réflexe, ont fini par détruire l’équilibre et la faire pencher de notre côté. C’est bien dommage n’est-ce pas ? Enfin pour vous. Maintenant, elle va trouver la Pierre Blanche pour moi et nous la détruirons, rétablissant ainsi le pouvoir du Mal sur ce monde. Et avec cette jeune femme à mes côtés, je vais m’amuser beaucoup à régner.
Il se tourna vers Narim et avec une malice et une méchanceté démesurée ajouta « Vous n’auriez jamais pu la satisfaire, elle est comme un feu qui s’embrase. Seul le mal peut comprendre cette luxure. Elle ne vous aurait jamais vraiment aimé. » Le jeune homme semblait ne tenir son rôle dans le cercle que par habitude, mais s’il se laissait envahir par la douleur, la haine, l’incompréhension qui l’assiégeaient et dont l’homme se nourrissait, ils allaient perdre le lien. Lyrvane projeta ses pensées vers le jeune homme et ressentit que Valrec et Olrin faisaient de même. Il fallait qu’ils gardent un certain contrôle sur la situation jusqu’à ce que la jeune fille touche la Pierre Blanche. Ensuite, l’influence de la Pierre Noire serait, peut-être, annulée.

Mais qu’en serait-il des forces négatives dont le Grand Maître noir l’avait nourrie ? En tout cas, il comprenait désormais pourquoi la partie blanche de Valine était traumatisée par les cauchemars qu’elle faisait. Il comprenait les hurlements de peur, les sanglots et l’angoisse de se voir touchée par un homme qu’elle ne connaissait pas. Le grand maître avait possédé son corps et une partie de son âme et elle l’avait effacé de sa mémoire pour se protéger. Seulement cela faisait partie d’elle-même et en le refusant elle lui avait donné un pouvoir immense sur elle. Ils pouvaient toujours maintenir le cercle ; si elle ne faisait pas d’elle-même l’équilibre entre son côté sombre et son côté lumineux, ils devraient la tuer. La jeune femme et le Grand Maître pénétrèrent dans une grotte alors que les douze mages noirs resserrèrent leur étreinte sur les magiciens de Klane. Désormais c’était une lutte pour la vie qui s’engageait.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Elle luttait, elle voulait remonter à la surface mais ne pouvait pas. Cette Valine noire, sombre, terrible lui refusait l’accès à son propre corps. Elle comprenait maintenant que c’était elle qui était la présence maudite suivant la caravane, que c’était elle et ce pouvoir étrange sur la neutralité qui avait caché ces hommes à ceux qui la protégeaient. Mais elle savait aussi que seule cette partie d’elle-même, haineuse, ‘servant’ pour l’instant l’ordre d’Enalk pourrait trouver la pierre. Pourtant, elle voulait rester à la surface, ne pas se laisser envahir par cette partie de sa personnalité qui avait pris le dessus pour l’instant. Il fallait qu’elle garde conscience d’elle-même en se cachant de celle qu’elle appela inconsciemment Elaris, comme la déesse de discorde, et du Grand Maître d’Enalk.

C’était une sensation bizarre que de s’observer de l’intérieur et pourtant de l’extérieur. Elle savait qu’elle était autant cette femme, qu’elle était Valine. Pourtant elle voulait ne pas s’abandonner à cette partie d’elle-même ; pas plus que nécessaire. Tout comme elle avait fait le vide et s’était intensément concentrée sur l’emplacement de la Pierre Noire, Elaris était toute entière tendue vers l’aura particulière de la Pierre Blanche. Le Grand Maître la couvait d’un regard plein d’un désir qu’il ne pouvait assouvir, et contrôlé tout de même par l’importance de ce qu’il faisait. Elle comprenait maintenant pourquoi on comparait les membres d’Enalk à des bêtes. Ces hommes utilisaient la magie à des fins personnelles et surtout mauvaises. Ils écoutaient leurs instincts les plus primaires, là où ceux de Klane écoutaient les sentiments. Et pourtant, elle percevait qu’un lien plus puissant que leur simple opposition existait. En elle, cette opposition s’était exprimée par une forme de dédoublement de personnalité.

Elaris savait où elle se rendait ; elle ne touchait aucun mur comme si les algues déposées dessus présentaient un danger. Comme les chaînes dans la montagne. Elle ressentait l’aura de ces choses vivantes qui l’attaqueraient si elle se saisissait de la mauvaise. A un moment, le Maître d’Enalk sursauta.
« Qu’est-ce que tu fais ? » Il semblait atteint d’une douleur intense dans le bras et se recula d’elle furieux. « Tu cherches à me trahir ? »
- Non bien sûr que non. Mais là, vous ne m’êtes d’aucune utilité. Au contraire… Je ne sais même pas si je vais pouvoir prendre la Pierre ; je crains que ma force n’ait dépassé la limité acceptable. Il faut vous retirer sinon, elle prendra votre présence pour la mienne. Ne touchez à rien.

L’homme se retira laissant celle qu’il avait pris sous sa coupe sans qu’elle s’en rende compte ; elle avait soupçonné que quelque chose s’était insinué en elle durant ce combat sous la montagne mais elle n’avait pas compris quoi avant qu’il ne soit trop tard et qu’elle ne puisse plus qu’éviter d’être étouffée. Elle n’avait pas une perception précise de ce qui se passait car elle n’avait pas cette capacité à haïr et à détruire qui aurait pu lui permettre de comprendre. Mais tout comme elle avait été attirée par la chaîne cachant la Pierre Noire, son autre elle-même suivit ses instincts et finit par saisir une des algues accrochées aux parois rocheuses et humides. Un grand bruit suivit, comme un effondrement mais dont elle ne put déterminer l’origine. Son corps se détourna comme si Elaris avait aussi entendu ce bruit. Une lumière aveuglante s’éleva alors autour d’elle ; elle s’en sentit pénétrer. La Pierre venait des entrailles de la terre ; plus elle approchait, plus Valine avait le sentiment d’émerger de cet état enchaîné. Lorsque la Pierre fut à portée de main, la jeune femme la saisit ; une douleur intense lui parcourut le corps. Lumière et ténèbres semblaient se livrer un combat titanesque en son sein. Elle eut soudain le sentiment d’être détachée de son corps. Comme si elle se regardait. En face d’elle, se trouvait une ombre avec son visage : Elaris, privée de corps elle aussi ; une autre entité semblait avoir pris le contrôle. Alors ainsi, elles étaient trois. Puis elle perdit conscience des choses.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Le Grand Maître et Valine partis, les douze hommes d’Enalk n’avaient pas attendu et avaient lancé leur attaque. Le combat dura ce qui sembla des heures, volonté contre volonté, force contre puissance, pouvoir contre pouvoir. Mais soudain la grotte trembla et les hommes de l’ombre semblèrent décontenancés. Cela les perdit. Néanmoins, les hommes de Klane n’étaient pas sortis d’affaire. Ils ignoraient qui allait sortir de cette grotte et leur combat le plus dur allait sans doute venir. Car qui avait le pouvoir de défier Valine détenant la puissance des deux pierres ?

Cependant, ce ne fut pas la silhouette de la jeune femme qui apparut mais celle du grand maître noir, reculant comme frappé par une force qu’il ne comprenait pas. Sur son visage étaient marquées l’inquiétude, l’incompréhension et aussi la peur. Son aura sombre fut soudain étouffée par une auréole de lumière aveuglante. Ses yeux refusèrent de la percer, et se fermèrent ; c’était comme regarder le soleil en face, mais en éprouvant ce sentiment de flou avant même d’avoir cessé de l’observer. Il ne pouvait que distinguer une seconde forme dans la lumière mais cette dernière semblait être comme une flamme vivante.

Les falaises autour d’eux tremblèrent voulant engloutir ceux qui avaient violé la cachette de la Pierre Blanche. Le maître sombre continuait de reculer concentrant ses pouvoirs dans un bouclier qui ne le protégerait ni contre la falaise ni contre les douze membres de Klane, même si ces derniers étaient épuisés par le combat qu’ils venaient de mener. Ceci étant dit, eux-même n’étaient pas saufs. Pourtant, cette torche vivante continuait d’avancer et lorsque le premier bloc de pierre s’effondra, il sembla tomber au ralenti comme si l’air autour s’était densifié et qu’une force plus forte que la gravité l’empêchait d’écraser les hommes. Puis la roche vola en éclat de poussière étoilée. La force de la Pierre Blanche les protégeait apparemment. Un sentiment d’inquiétude le gagna soudain ; il venait d’un des autres maîtres. Comme un seul homme, tous les magiciens encore en vie dirigèrent leurs regards vers la mer. Au loin une vague immense était visible. Elle allait balayer la plage et détruirent tous ceux qui s’y trouvait avant de se briser sur la falaise qui terminerait de s’effondrer.

Son cœur ne lui appartenait plus, les peurs et les vies de tous les hommes du cercle se bousculèrent dans son esprit et pourtant il leur fallait maintenir le cercle. A douze ils avaient une chance, aussi infime fut-elle de s’en sortir, mais seul autant se jeter à la mer tout de suite. Pourtant, Valine – car ce ne pouvait être qu’elle – s’avança vers la mer qui sembla se retirer devant elle. Non, en réalité, elle effleurait à peine les eaux sur lesquelles elle paraissait marcher. Des mains s’élevèrent dans la direction de la vague qui s’éleva plus haut encore dans une forme de cyclone, tandis que la jeune femme continuait de s’avancer à la rencontre du phénomène. Soudain, au contact de l’eau en furie, la lumière blanche devint rouge flamboyante, et l’eau commença à chauffer. Durant un moment qui dura une éternité l’eau fut stoppée en mouvement avant de s’évaporer ou de retomber sur la mer en une pluie fine qui les arrosa eux aussi. La lumière se rapprocha de la plage et les enveloppa à nouveau. Il ferma les yeux pour se protéger.

Quand il les rouvrit, l’odeur des embruns avait disparu et avait été remplacé par celui de la forêt. Une forêt qu’il connaissait pour y avoir passé de longues heures, chevauchant seul, pour retrouver ce lien si particulier qu’il avait toujours ressenti avec la nature. Ils étaient là tous les douze et le maître d’Enalk mais figés dans une attente insupportable. Que faisaient-ils ici ? La source de lumière s’était quelque peu atténuée, ou peut-être s’était-il habitué à celle-ci. Il distinguait désormais Valine et comprit que la lumière blanche qui l’entourait était comparable aux voiles noirs qui l’avaient entourée lorsqu’elle s’était laissée aller aux sentiments de son côté sombre. Elle semblait chercher quelque chose.

Elle murmura une incantation qu’il n’avait jamais entendue mais qui créa la surprise chez Olrin. « Ce n’est pas possible, elle ne peut pas faire ça. » pensa l’homme. Une discussion s’amorça entre les différents hommes du cercle qui tentaient de résoudre l’énigme de ce qui leur arrivait. Soudain, le grand maître d’Enalk cria.
« Traîtresse, qu’as-tu fait de la Pierre Noire ? »
En face d’eux, dans la main gauche de la jeune femme était apparue une Pierre claire comme le cristal, transparente. En réponse à la question du prêtre, elle porta son autre main à sa poche dont elle sortit une pierre qui, sous leurs yeux devint plus noire que l’onyx, alors que la lumière l’environnant diminuait. Trois voix semblèrent alors s’élever de la bouche de la jeune femme. La surprise était lisible dans tous les esprits.
« Détruire l’une ou l’autre de ces pierres serait une erreur. Les cacher loin l’une de l’autre l’est aussi. Car elles ne sont que des forces neutres jusqu’à ce que les sentiments des hommes en fassent des armes bien trop puissantes pour ces derniers. »
Elle étendit les mains et les deux pierres quittèrent ses paumes, voletant dans les airs devant ses yeux qui avaient perdu leur couleur de nuit pour devenir presque translucide. Alors qu’elle murmurait une incantation dans un langage incompréhensible, les deux pierres, noire et blanche, perdirent de leur intensité et devinrent grises avant de se rapprocher l’une de l’autre. Puis, elles se fondirent en une seule qui s’approcha du cœur de la jeune femme et la pénétra. Alors autour d’elle la lumière aveuglante refit surface ainsi que des ténèbres qui engloutissaient tout. Les deux puissances s’entrechoquèrent dans une violence qui fit trembler la terre autour d’eux avant de s’élever dans les airs et de percer les cieux puis d’être aspirées dans le corps de la femme enfant. Cette dernière les regarda tous avant de s’évanouir, éteinte.

Ce fut Narim le premier à reprendre ses esprits ; il se précipita vers la jeune femme qui apparemment ne respirait plus. Et ce qui aurait pu arriver bien plus tôt se déroula alors. Les sentiments du jeune homme prirent le dessus et le cercle fut brisé. Il se retourna contre l’homme d’Enalk et le frappa de toute sa colère, sa frustration et sa tristesse. Personne ne put intervenir, les sorts fusaient des deux côtés avec une violence exacerbée, par la perte de la jeune femme et des deux pierres. Dans un éclat rouge et brun, les deux hommes furent projetés à plusieurs pieds l’un de l’autre, corps inertes, privés de vie.

Valrec s’approcha de Narim avec tristesse et le prit dans ses bras avant de le confier à deux autres maîtres qui conjurèrent une civière. Trois autres membres de Klane s’approchèrent du corps du maître d’Enalk auquel ils mirent le feu. Lyrvane, Valrec et Olrin s’approchèrent de la jeune femme ; son teint était grisâtre. Plus aucun souffle ne venait soulever sa poitrine et ses yeux étaient sans vie. Pourtant, il ressentit quelque chose de puissant se déroulant en elle qu’il ne pouvait décrire. Ce fut néanmoins Valrec qui se saisit de son corps avant de se retourner vers lui et Olrin.
« Vous saviez ce qui l’attendait, vous saviez ce qu’elle était, mais vous l’avez condamnée tout de même.
- Valrec, elle savait ce qu’elle risquait.
- Bien sûr que non ; elle n’en avait aucune idée. De quel droit avez-vous joué de la vie de cette enfant ? Et de celle de Narim qui l’aimait plus que lui-même ? Je vais demander des explications au grand maître. Et qu’elles soient bonnes ou mauvaises, je ramènerai Valine à ses parents. Elle doit reposer près des siens de ceux qui l’ont aimée.
- Valrec, vous savez très bien que nous l’avons aimée autant que vous. Mais le destin est ainsi qu’il choisit ceux qui tomberont pour lui.
- Pourquoi ?
Il n’attendit cependant pas de réponse et, portant la jeune femme, il se dirigea vers le temple de Klane. Il marcha sans s’arrêter, et ils durent suivre son rythme au risque de le perdre. Lyrvane comprenait le sorcier ; Valine avait été son élève, sa fille pendant toutes ses années et l’Ordre – et lui-même – avaient sacrifié son enfant pour une cause qui, tout aussi justifiable et noble soit-elle, lui avait été cachée. Elle n’avait jamais su pourquoi elle s’était retrouvée mêlée à tout cela alors qu’elle n’était même pas membre à part entière de la communauté magique de Klane.

Ils atteignirent le temple après environ une journée de marche qui avait achevé de consommer le peu de forces qui leur restait après le combat devant la mer. Mais Valrec semblait décidé à continuer et il se dirigea directement vers la salle du grand conseil. Un garde tenta de le stopper mais le regard meurtri et impérieux qu’il lui lança suffit à le faire reculer. Il brisa la porte avec la seule force de son esprit ce qui était révélateur des sentiments puissants qu’il éprouvait à ce moment précis. Un murmure désapprobateur s’éleva au sein du Conseil qu’Olrin rejoignit. Valrec conjura un lit de soie et de roses sur lequel il déposa la jeune femme avec une délicatesse infinie. Puis il se tourna vers le Conseil parlant avec une violence qui démentait ses gestes doux envers l’enfant.
« Quel droit aviez-vous de détruire ces vies ? Pourquoi elle ? Et dans ces conditions ? Fallait-il qu’elle paie de sa vie votre arrogance ?
- Où sont les pierres Valrec ?
- Où sont les pierres ? Quelle importance ! Votre question devrait être ‘où sont les nôtres ?’ Où sont Narim, Valine et ceux qui ont survécu à l’attaque de douze maîtres d’Enalk. Mais non, la seule chose dont vous vous inquiétez ce sont ces maudites pierres.
- Olrin, il semble que Valrec soit un peu secoué par les événements. Où sont les pierres ?
- Les pierres ne sont plus, l’enfant les a absorbées, ce qui a causé sa perte. Mais je dois admettre que je suis d’accord avec Valrec. Les Esprits ont parlé et nous ne pouvons remettre en cause leur décision. Mais je me demande si tous ces sacrifices étaient nécessaires. Narim est mort, emmenant avec lui le Grand Maître d’Enalk. Et Valine a été presque à la hauteur des attentes des esprits.
- Presque ? Comment cela presque ?
Il prit alors la parole, posant une main qui se voulait réconfortante sur l’épaule de celui qui avait, avec Narim, connu Valine mieux que quiconque ici.
« Valrec, celle que vous considériez comme une seconde fille était une balance, mais cela vous l’aviez déjà deviné. » Le maître acquiesça. « Ce que vous ignorez c’est qu’elle était la seule à pouvoir faire ce qui a été fait aujourd’hui. Elle avait raison lorsqu’elle disait qu’il ne fallait pas détruire l’une des pierres ou les éloigner l’une de l’autre. Parce que l’ombre et la lumière ne sont que les deux faces d’une même pièce et on ne peut vivre privé de l’une d’entre elles. C’est impossible.
- Valrec. Les esprits se sont manifestés ce matin avant votre brutale interruption. Valine se bat encore pour absorber les deux forces qui s’affrontent en elle. Cela prendra peut-être du temps, et peut-être ne survivra-t-elle effectivement pas. Mais nous avions le devoir de l’envoyer elle. Elle est la plus puissante des balances ayant existé, car elle est la onzième génération de balance dans sa famille. C’est la raison pour laquelle ses parents l’ont confiée à nos soins. Elle descend en droite ligne de Uilania qui fut détruite en tentant de faire ce que Valine a fait il y a deux jours, si j’en crois les souvenirs d’Olrin et les vôtres.
- Vous aviez dit que les balances n’existaient plus.
- Les balances initiées n’existent plus. Seulement il était dit que lorsque naîtrait la onzième balance dans une famille, alors le temps de l’équilibre viendrait. Cette jeune femme est l’équilibre ; parce qu’en elle se rejoignent tous nos sentiments, toutes nos peurs, elle rétablit une certaine harmonie en nous laissant toujours maître de nos choix. N’avez-vous jamais senti que vos peines, la perte de votre femme et de votre fille, vous étaient moins douloureuses en sa présence ? C’est là son pouvoir.
- Mais si elle meurt.
- Alors l’équilibre se fera automatiquement mais en faisant disparaître progressivement la magie car les hommes seront face à leur seul libre arbitre sans les forces qui les entourent, soient-elles bénéfiques ou maléfiques. Notre existence dépend aussi de la survie de cette enfant. Il n’y a qu’elle que nous pouvions envoyer. Et c’est la raison pour laquelle Enalk voulait la détruire s’il ne pouvait la maintenir sous sa coupe.
- Oui mais vous aussi.
- Mais pour le bien du plus grand nombre.
- Ah oui vraiment ? Et sans elle, il n’y aurait plus eu de balances, comment cela aurait-il évolué ? »
Valrec avait posé là une question judicieuse à laquelle il était le seul à pouvoir répondre. Mais cela signifiait révéler un secret que seul le Grand Maître de Klane connaissait.
« C’est là que mon rôle commence Valrec, dit-il en soupirant. Uilania était aussi mon ancêtre. Elle a mis au monde des jumeaux ; une fille – une balance comme sa mère, porteuse de l’équilibre des forces – et un garçon – porteur de ce même pouvoir mais incapable de le contrôler. Car ainsi sont les choses que nous les hommes sommes seulement porteurs de ce pouvoir mais non son détenteur. Mais pour que ce pouvoir se retrouve dans la génération suivante, il faut que j’aie une fille. Or dans ma famille depuis dix générations ne sont nés que des hommes. Mon rôle, mon pouvoir, était de bloquer le sien car il est son complément masculin, si elle devenait incontrôlable. Et à plus long terme, peut-être, si les esprits le permettent, de donner naissance à une fille. Les chances sont minces à moins que son destin soit lié au mien comme vous l’aviez par ailleurs deviné.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Le Conseil avait été levé quelques heures plus tôt et, seul dans la pièce, il regardait son œuvre, ce qu’il avait provoqué. Bien qu’il sache que c’était la seule chose à faire, il ne pouvait s’empêcher de comprendre la frustration de Valrec. Mais le Destin était ainsi qu’il exigeait des sacrifices pour se poursuivre. La jeune femme allongée devant lui, encore entre la vie et la mort, était un vivant souvenir de ses propres sacrifices. Lui aussi pleurait Narim et le grand prêtre d’Enalk dont il ne pouvait oublier qu’il était son frère. Car l’équilibre magique se crée de lui-même jusque dans la plus petite entité qu’est la famille. Rinalk s’était détourné de Klane pour servir l’ordre d’Enalk ; mais leurs noms mêmes révélaient cet équilibre ; des forces opposées qui créent une forme de balance naturelle afin que le monde continue d’avancer.

Dans cette jeune femme résidait l’avenir du monde ; que signifiait la vie de Narim, des prêtres d’Enalk perdu dans le tsunami créé par la balance, de son frère, la sienne même ? Les larmes qui coulaient le long de ses joues, il ne les sentait pas. Elles parlaient de la douleur du devoir, de la tristesse de la perte acceptée et nécessaire et de ce sentiment d’inachevé que l’on a lorsque même l’amour devient un devoir.

Ses mains serraient la dague de l’ordre sur ses genoux… si fort qu’il sentait les gravures de la garde marquer ses mains dont les jointures blanchissaient. Qu’était-il devenu ? Un homme qui avait tout sacrifié au plus grand nombre… La fille de la seule femme qu’il eut jamais aimée, mais qui ne lui appartenait pas plus qu’à elle-même ; cette fille qui gisait maintenant devant elle. Il l’aiderait dans cette lutte… Il était le seul à pouvoir parce qu’il connaissait les balances, la magie et cette femme. Sa main gauche quitta ses genoux et s’éleva pour prendre celle, gelée, de Valine. Dans un mouvement vif et soudain la lame de la dague trouva son cœur alors qu’il élevait une prière aux Esprits qui lui avait révélé son destin. Pour le monde, pour elle il fallait mourir. Il sentit sa vie lui échapper, toute la lumière entourant la jeune femme qui se trouva baignée dans l’amour qu’il lui avait porté dès qu’il l’avait vue. Au-delà d’elle attendaient Narim et son frère, messagers des Esprits pour son dernier voyage. Et il vit ce qui allait se passer ; elle survivrait ; elle rétablirait l’équilibre et présiderait à l’Ordre de Klane tout en préservant la lignée des balances aux côtés de Lyrvane. La magie continuerait de vivre dans le monde, cachée et néanmoins manifeste car elle laisserait aux hommes leur choix. Valine, lumière et ténèbres du monde, vivante pour l’éternité dans le cœur de chaque homme et de chaque femme pour peu que ces derniers continuent d’exercer leur libre arbitre.
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Re: morceaux de vie...

Message par eärendil »

Un jour , tu es parti
Un matin de juillet
Sans un mot, sans bruit
Comme d'habitude, discret.

On n'était pas surpris,
Un jour, on le savait,
Quelqu'un téléphonerait
Pour dire, voilà c'est fini.

Sans famille, sans amis,
Tu as fait comme tu voulais
Et c'est seul que tu as pris
Le chemin qui mène à l'après.

Nous sommes venus entourer
Ton épouse, tes enfants
Les soutenir de notre amitié
Dans ces horribles moments.

Pendant ces quatre années
Tu as été un combattant
Et sans rien dire tu as aidé
Encore tellement de gens.

Adieu C. Tu as été
Un frère pour mes parents
Ils t'ont beaucoup aimé.
Et tu nous manques vraiment.

Ta mort nous rappelle
Que la vie est fragile
Qu'elle n'est pas éternelle
Juste un battement de cil.

Ton départ nous interpelle.
Tu étais un homme tranquille
Mais non, la vie est cruelle,
Et dire au revoir si difficile.

Sur nos visages ruissellent
Des larmes. Tout semble futile.
Est-il vraiment essentiel
De continuer, ne pas être immobile?

Adieu...
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Lilyrose
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Re: morceaux de vie...

Message par Lilyrose »

C'est très émouvant comme poème... c'est très triste mais bizarrement, cela me touche plus que les poèmes dits "heureux".
Et puis, on a tous un moment ou un autre perdu un être qui nous était cher...
Bref, bravo. :wink:

Je ne fais que passer deux secondes, donc je n'ai pas eu le temps de lire tout ce que tu as écrit avant (2006 ! :shock: ), mais promis, je le ferais ! :D :wink:
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Re: morceaux de vie...

Message par eärendil »

lilyrose a écrit :C'est très émouvant comme poème... c'est très triste mais bizarrement, cela me touche plus que les poèmes dits "heureux".
Et puis, on a tous un moment ou un autre perdu un être qui nous était cher...
Bref, bravo. :wink:

Je ne fais que passer deux secondes, donc je n'ai pas eu le temps de lire tout ce que tu as écrit avant (2006 ! :shock: ), mais promis, je le ferais ! :D :wink:
En fait, j'avais besoin de sortir toutes ces émotions qui m'encombraient depuis le mois de juillet... Et là curieusement je me sens un peu plus légère et à même de soutenir ma meilleure amie dans cette épreuve. Difficile de ne pas se laisser pleurer et de tout garder pour soutenir les autres. À un moment faut que ça sorte d'une manière ou d'une autre ;) ;)

Sinon j'ai hâte d'avoir des commentaires :mrgreen: :mrgreen:

Je posterai probablement un peu plus quand ma connexion sera plus stable ;)
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ludivine12
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Re: morceaux de vie...

Message par ludivine12 »

Génial!! :clap:

J'adore ta façon d'écrire, et tes histoires et poèmes sont super! Que se soit dans le registre triste ou dans il plus joyeux, c'est magnifique!! :clap:
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Il faut toujours retourner a la source... même si elle est souvent enfouis...


J'ai fait un rêve...

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Re: morceaux de vie...

Message par eärendil »

Si vous croyez que vous m'avez battue
Vous risquez d'avoir la berlue
Ni maintenant, ni jamais
Vous ne me verrez abandonner.

Si vous pensez que je vais m'allonger
Et trépasser, vous pouvez vous brosser.
Ni maintenant, ni jamais
Vous ne me verrez abandonner.

Si vous voulez me voir cautionner
Indifférence et préjugés, vous rêvez!
Ni maintenant, ni jamais
Vous ne me verrez abandonner.

Si vous pensez que je vais vous laisser
Bafouer les gens et les briser...
Ni maintenant, ni jamais
Vous ne me verrez abandonner

Si pour mettre fin à vos vilénies
Je dois y laisser ma vie..
Alors soit, mais jamais, non jamais
Vous ne pourrez dire, elle a abandonné.
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Re: morceaux de vie...

Message par eärendil »

Celui-ci date de juillet mais je viens seulement de le retrouver dans mes bagages. ;)

De mes amours

Certains vous diraient qu'ici
C'est vraiment à mourir d'ennui.
Mais croyez moi quand je vous dis,
Que c'est un coin de paradis.

Certes il faut que j'admette
Que nous n'y avons pas internet
Et pourtant, je vous le répète
Il n'est plus bel endroit sur cette planète.

Au matin quand on se réveille
Alors que le ciel tourne couleur vermeil,
Sur les Alpes brille le soleil
C'est une vue qui nous émerveille.

De la fenêtre, on peut observer
Les champs de lavandes et de blés,
De maïs ou de tournesol. Et ces derniers
Colorent la terre de violet et doré.

Un peu plus loin dans la garrigue,
On peut aussi trouver des figues,
Des oliviers et des animaux qu'on intrigue.
Croyez-moi, la nature y est prodigue.

Vous trouverez aussi des bois,
Dans lesquels il fait frais parfois
Et des ruisseaux clairs et étroits
Qui mettront vos sens en émoi.

On peut s'y balader
Sans jamais se lasser.
Si par hasard on croise un sanglier
Mieux vaut l'éviter, et continuer de marcher.

C'est aussi un endroit paisible,
Même s'il n'est pas inaccessible,
Où rien nous nous laisse impassible,
Où la sérennité règne, imperceptible.

N'hésitez pas à vous y rendre,
Pour vous ressourcer ou bien apprendre
Ces choses ou ces idées qu'il faut entendre,
Et écouter pour mieux vous comprendre.

C'est là-bas qu'on mange le pistou,
Cette soupe qui a si bon goût.
On y trouve aussi miel et huile d'olive. Tout
Pour que de cet endroit vous soyez fou.

C'est avec un grand plaisir
Que je vous ferai découvrir
Ce lieu parfait de mes désirs
Où j'aime touours revenir.

C'est cet endroit de mon enfance,
Celui de mon adolescence.
Et c'est toujours avec insouciance
Que je reviens dans cette belle Provence.
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Re: morceaux de vie...

Message par eärendil »

La ville est si belle
Et tellement vivante,
Certains la trouvent cruelle
Et parfois trop bruyante.

Chaque semaine un festival
Se prépare et anime les rues.
À chaqu' coin un artiste génial
Vous surprendra à l'imprévu.

Des musicens, dessinateurs
Et autres artistes étonnants
Qui n'ont d'autre passion
Que leur extraordinaire talent.

Chaque jour, un building s'élève
Pour accueillir d'autres condos.
Ils bourgeonnent tels des arbres en sève
C'est aussi ça Toronto.

Il y en a qui vous diront
Que les gens sont indifférents
Mais jamais ils n'admettront
Qu'on trouve toujours ce qu'on attend.

Cette ville, elle s'apprend et se découvre.
Pour l'aimer, il faut regarder de près
Les détails. Alors seulement elle ouvre
Ses portes et vous révèle ses secrets.
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Re: morceaux de vie...

Message par eärendil »

Ode à mon oreiller :roll: J'en avais assez des poèmes sombres :lol: :lol:

Coloré ou blanc
Ce n'est pas important
Dur ou moelleux
À chacun selon ses voeux.

Mais chaque soir, chaque fois
Je m'y adosse avec joie
Pour quelques pages lire
Ou quelques lignes écrire.

Et quand vient le temps
Je m'allonge gaiement
La tête sur mon oreiller
Toute prête à rêver.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

C'est toujours une formidable aventure
C'est souvent un défi qu'on relève
Parfois cela se révèle vraiment très dur
Mais c'est final'ment comme la sève

D'un jeune arbre. Nourrissante et fortifiante,
Une énergie qui amène au-delà
De ces choses tellement évidentes
Jusqu'à ces endroits qu'on oublie parfois.

Ce voyage peut prendre une heure
Ou bien encore toute une vie.
Il ne faut pas en avoir peur.

On finit, on est ivre
De fierté. Qui eut dit
Qu'on pouvait écrire, un poème, un livre?

Pour ceux qui s'interrogeraient sur le rythme du sonnet, c'est un peu curieux, j'en conviens.
S1: 11-9-11-9 pour 40 pieds
S2: 10-10-10-10 pour 40 pieds
S3: 8-8-8 pour 24 pieds
S4: 7-7-10 pour 24 pieds.


edit parce que j'avais oublié le v de "avec" ;)
Dernière modification par eärendil le 03 déc. 2008, 00:20, modifié 1 fois.
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Ryrynie
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Re: morceaux de vie...

Message par Ryrynie »

J'ai lu tout ce que je pouvais, à une heure aussi tardive ici... Tout ce que tu écris, textes et poèmes confondus, est tout simplement divin... Vraiment, du fond du coeur, bravo... :clap: :D Tu trouves toujours le mot, le style adéquat pour nous plonger tête première dans ton univers... Vraiment, félicitations... :clap: :wink:
eärendil a écrit :Ode à mon oreiller :roll:
Ou comment convaincre un lecteur d'aller se coucher sur-le-champ :lol:
http://www.le3.ca =»SVP!
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«Le bien et le mal naissent dans l'homme tel le poussin dans l'oeuf»;Peline Eline
« Ce sont nos choix qui montrent ce que nous sommes vraiment, bien plus que nos aptitudes»; JKR

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Re: morceaux de vie...

Message par eärendil »

:oops: :oops: :oops: merci... :oops: :oops: :oops:
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