(Je remets mon avis posté sur allocine)
Différentes manières d'aborder "Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé"
Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé : un drame ?

"Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé" est une sorte de drame, mêlant le comique et le tragique.
Le comique est omniprésent notamment dans les scènes sentimentales (entre Ron et Lavande notamment) et avec certains aspects récurrents du personnage d'Horace Slughorn, très bien interprété par Jim Broadbent.

Tout le monde a éclaté de rire dans la salle quand il s'est adressé à Ron aux Trois-Balais en se trompant sur son prénom

. Michael Gambon (Dumbledore) suscite lui aussi quelques moments d'amusement, comme quand il demande à aller au "petit coin" (décalage avec l'image du vénérable sorcier au-dessus des autres) et déclare à son retour adorer les modèles de tricot

. Même Harry après avoir bu le Felix Flicis est désopilant, il est réellement drogué et on n'était pas habitué à le voir aussi sûr de lui, ni imiter les pinces d'une Acromantule. Luna, quant à elle, est super, même si on ne la voit pas commenter un match de Quidditch...
Le tragique s'incarne surtout en Drago Malefoy, personnage sombre confronté à un destin implacable, pour qui Tom Felton s'est surpassé. Il contraste de manière frappante avec les autres élèves qui se bécotent sans arrêt et est suffisament important pour que la caméra le suive beaucoup de fois sans qu'Harry ne soit dans les parages. La scène où Drago ouvre l'Armoire à Disparaître et y trouve son oiseau mort fait froid dans le dos : c'est ce qui lui serait arrivé s'il avait tenté d'utiliser lui-même l'Armoire à Disparaître sans la réparer. Quant à l'attaque du Terrier, pure invention de la part du scénariste, elle nous rappelle que l'histoire se déroule dans un univers sombre. Bellatrix est complétement hystérique du début, où Rogue lui fait la morale, à la fin, quand elle s'amuse à tout saccager dans la Grande Salle et à brûler la cabane à Hagrid.

Et une bonne scène de tension quand Dumbledore sous l'emprise de la potion maléfique supplie Harry de ne pas lui faire boire jusqu'au bout alors qu'il lui avait demandé le contraire jute une minute avant.
Ce film est donc à la fois le plus drôle et le plus sombre de tous.
D'une intrigue à l'autre
Les intrigues du "Prince de Sang-Mêlé sont nombreuses et toutes aussi importantes les unes que les autres. La mission de Drago est évidemment essentielle pour le dénouement, et les souvenirs de Dumbledore le sont pour les films suivants. Les attaques des Mangemortes sont cruciales pour bien définir le climat. Les relations amoureuses occupent une grande place avec beaucoup de personnages en jeu : Harry, Ron, Hermione, Ginny, Lavande, Romilda Vane, Dean Thomas, Cormac McLaggen et, tant qu'à faire, la serveuse du début qui sert d'introduction à ces amourettes.

D'où le nombre important de scènes de ce genre, nécessaires pour exploiter les relations entre chaque personnage. La relation entre Harry et Dumbledore occupe elle aussi une place importante, mais par moments on se demande si elle n'en occupe pas trop : quand Dumbledore dit à Harry qu'il devrait se raser, j'avais envie de lui répondre qu'il devrait en faire autant

(et puis, il est censé être assez intelligent pour ne pas se demander si Harry et Hermione sortent ensemble

). Le livre du Prince de Sang-Mêlé, quant à lui, pourrait à la limite être négligé mais c'est le titre du film donc il est impensable de passer par-dessus. On passe donc d'un registre à l'autre par des transitions bien trouvées et quelques effets spéciaux. Tout cela s'entrecroise et s'entremêle et c'est en cela que ce film diffère du précédent, qui avec une ligne conductrice claire avec le nouveau régime à Poudlard et ce qui en découle. Mais le réalisateur s'en sort plutôt bien.
Une adaptation mitigée
Ce qui intéresse beaucoup les fans d'Harry Potter, c'est aussi l'adaptation par rapport au roman original. Eh bien, celle-ci n'est pas complétement fidèle, il faut s'y attendre, mais n'est pas non plus catastrophique. Beaucoup d'informations sur Voldemort manquent à l'appel (la coupe de Poufsouffle n'est même pas mentionnée) et certains personnages, comme Neville, Tonks ou même Hagrid, ont un rôle très secondaire. Greyback est là mais il ne dit rien et on ne dit rien de lui, c'est dommage. Les seuls cours que l'on voit sont les cours de potions, bien qu'on sache que Rogue est devenu professeur de défense conte les forces du mal. Flitwick est toujours chef d'orchestre au lieu d'être professeur de sortilèges et Seamus est toujours le maladroit de service alors que ce titre est censé revenir à Neville, deux choses difficiles à comprendre.

Lupin et Tonks sont fiancés en avance et n'apparaissent qu'à Noël. De plus, Harry ne réagit pas toujours comme il réagirait dans le livre, par exemple quand il drague une serveuse ou qu'il dit à Hermione qu'il est l'Elu. Sa relation avec Ginny n'est pas comme dans le livre (ils s'embrassent en privé dans la salle sur demande) et il n'y a pas de scène de rupture. Il ne se fait pas non plus fêler le crâne par McLaggen (mais après tout ça n'a pas tellement d'importance). Les Dursley sont délaissés au profit d'un bar de métro et les leçons de transplanage sont passées à la trappe, tout comme le nouveau ministre de la magie Rufus Scrimgeour

, Bill et Fleur et les attachants elfes de maison Dobby et Kreattur qui étaient censés faire des rapports à Harry sur les activités de Malefoy. Quant à la fin, on y reviendra.

Mais l'adaptation n'est pas mauvaise pour autant : il est normal de ne pas tout garder car un film est toujours différent d'un livre. Si on prête une oreille attentive et qu'on regarde de près les images, on consate que le film fourmille de clin d'oeils sur ce qu'ils n'ont pas pu caser de manière plus importante. Les Gaunt n'apparaissent pas du tout ? Eh bien, regardez de plus près les noms inscrits sur les flacons de souvenir. Il manque des cours ? Hermione évoque en parlant de Cormac les tentacules de Snargalouf, objet d'étude du cours de botanique au cours duquel elle a proposé à Ron de l'accompagner à la fête à Slughorn, dans le livre - et cela à cette même fête.

Et puis, il est amusant de regarder les informations de la Gazette du Sorcier et de constater qu'un article est consacré à Lucius Malefoy emprisonné. On appréciea également le retour du Quidditch et certaines répliques tout droit sorties du bouquin et très bien mises en scène. Slughorn est encore plus élitiste que dans le roman, Lavande appelle Ron "mon Ron-ron" et McLaggen est aussi infect que dans le livre. Certains détails sont scrupuleusement respectés, comme les membres qui côtoient ou ont côtoyé le Club de Slug. Le premier cours de potions se déroule presque exactement comme dans le livre.
Ajoutons à cela de bonnes trouvailles scénaristiques comme l'attaque du Terrier ou le fait de filmer la destruction du pont du Millenium. Les Mangemorts

se baladent toujours en laissant des traînées noires, donnant un petit côté détraqueur. La boutique Barjow et Beurk apparaît souvent et l'arrivée de Harry au Terrier est très originale.

D'autres trouvailles sont certes plus contestables, comme Dumbledore qui s'intéresse d'un peu trop près à la vie de Harry, l'obsession pour le dentifrice, Harry qui a rendez-vous avec la serveuse moldue et qui adore prendre le train, Ginny qui fait les lacets de Harry après lui avoir mis un gâteau dans la bouche ou l'inutile sablier magique de Slughorn.

Ce qui peut choquer certains, ce n'est donc pas tant les éléments passés à la trappe (il y a pire dans les films précédents) que le décalage de personnalité des personnages par rapport au livre. Mais les réalisateurs ont osé innover et sortir des sentiers battus pour tenter des approches différentes sur l'histoire de Harry Potter.
La magie
N'oublions pas que le thème principal de la saga Harry Potter s'il en est, c'est quand même la magie ! Celle-ci apparaît tout d'abord de forme maléfique lors de la destruction du pont, puis sous forme plus poétique quand Dumbledore remet en ordre la maison "d'emprunt" de Slughorn

. Ensuite, elle apparaît comme merveilleuse - Spoiler : dans la boutique de Fred et George - , une très belle scène (même si j'aurais aimé voir le Pousse Rikiki

). Enfin, elle apparaît comme mystérieuse et dangereuse lors des tentatives de Drago de réparer l'Armoire à Disparaître , ce qui fait un peu penser au film "le Prestige". Elle apparaît même parfois comme terrifiante quand il est question des Horcruxes ("Dans ma vie, j'ai vu des choses vraiment terriante. Maintenant, je sais que tu connaîtras pire"). Et puis, il y a beaucoup de scènes où la magie ne joue aucun rôle : les personnages discutent exactement comme des moldus par moments (tant mieux, ils ne vont quand même pas passer pas leur vie à parler de sorilèges et de chaudrons

!).
La célèbre musique de Harry Potter qui contribue à lui donner sa magie est quelque peu délaissée, et Poudlard ne regorge plus d'autant de portraits et de fantômes qu'auparavant. Néanmoins, l'importance d'objets comme la fiole de Felix Felicis, le livre du Prince de Sang-Mêlé ou le philtre d'amour contribuent au fantastique et rapprochent encore plus l'histoire du drame. Le dénouement sera aussi effectué par des sortilèges - dont un - Spoiler : Avada Kedavra - qui retentit comme un coup de théâtre.
La fin écourtée
Après la scène sombre de la caverne, pas d'explosion, pas de sortilèges qui volent dans tous les sens ni de hurlements déchirants. Juste un meurtre : celui de Dumbledore, bien entendu. Il était anticipé par Drago Malefoy qui parle de se jeter du haut de la tour d'astronomie dans le train

. L'absence de la bataille finale peut choquer certains fans, mais il faut se dire qu'il y en avait déjà une das l'Ordre du Phénix et qu'il y en aura une de taille dans les Reliques de la Mort

. A la place, ils ont mis Bellatrix qui s'amuse à tout casser, suivie par des Mangemorts qui ne disent pas un mot. La scène où Harry va voir le corps de Dumbledore sous la lueur des baguettes maiques levées par tout le monde (McGonagall la première, ce qui est tout à fait logique) est très belle mais pourquoi ne pas lui avoir fait lire le message du médaillon à ce moment là ? Et aussi, pourquoi avoir délaissé le refus de Hagrid de croire à la mort de Dumbledore ? Avec une petite musique lancinante en arrière plan et quelques gros plans sur son visage déconfit et Harry essouflé, ça aurait fait une superbe scène tragique ! Enfin, il manque l'enterrement de Dumbledore (j'ai cru comprendre que le septième film débutera dessus ?) et la rupture de Harry et Ginny, ainsi que l'explication du choix du pseudonyme de Prince de Sang-Mêlé. La fin ne donne donc pas un effet entièrement abouti, bien qu'elle ne soit pas non plus complétement mauvaise.
Conclusion
Un bon film avec lequel David Yates a pris beaucoup de libertés plus ou moins réussies et un mélange intéressant des genres et des intrigues. Mais le plus magistral nous attend encore dans "Harry Potter et les Reliques de la Mort", pour qui "le Prince de Sang-Mêlé" n'était en fait qu'une introduction.
