| – Je n’en doute pas, Walter, répondit Abelforth, qui essuyait de la vaisselle. Installez-vous à cette table.
Abelforth quitta le comptoir pour les rejoindre et serra vigoureusement la main des cinq hommes.
Le dénommé Walter s’assit dans le faisceau de lumière d’une bougie et Harry put distinguer son visage. Il avait des yeux noirs luisants et son sourire laissait apparaître des petites dents qui lui donnaient un air vicieux. Son nez était gros et crochu et il avait deux touffes de cheveux noirs lisses et brillants de chaque côté de la tête.
Le sorcier à sa droite, le plus massif des cinq, aux cheveux blond paille, lui glissa quelque chose à l’oreille que Harry ne put saisir. Walter éclata alors d’un rire des plus désagréables.
– Brillant, Stefan ! Simplement brillant ! Laslo, qu’est-ce que tu attends pour apporter le Whisky ?
– Ca vient, Walter, ça vient… répondit Abelforth avec amusement.
La version âgée de Hermione donna un coup de coude à Harry.
– Quoi ?
– Arrête de les regarder comme ça, murmura-t-elle. Ils vont nous repérer, ayons l’air normaux !
Il y eut un silence interrompu par un nouvel éclat du même rire désagréable de Walter.
– Dites quelque chose, pressa Hermione, voyant que Regulus Black les observait.
Malgré sa transformation à cause du Polynectar, Ron devint tout rouge en sentant le regard de Regulus posé sur eux.
– Même le Polynectar ne pourra pas t’enlever ça, rigola Ginny.
– Ca va, toi ! répondit Ron sur un ton sec.
– Décidément, tu es toujours aussi rancunier…
– Tu ne vas pas recommencer ? demanda Ron, haussant le ton.
Le souvenir de la douloureuse dispute de la veille entre Ron et Ginny revint à l’esprit de Harry. Les évènements de la journée avaient fait qu’elle lui était totalement sortie de l’esprit.
Cela eut pour effet de l’assommer une nouvelle fois, et il ne se rendit même pas compte que Regulus et ses hommes s’étaient arrêtés dans leur conversation pour les écouter.
A la plus grande surprise de Harry, Ginny se mit à pleurer et elle se leva brusquement pour partir dans le couloir sombre derrière le bar.
Ron était resté stupéfait, mais Harry avait compris qu’il s’agissait là d’une parfaite excuse pour aller dans la réserve chercher les ingrédients pour empoisonner les compagnons de Regulus afin qu’Abelforth puisse être seul avec lui.
– Bande de sauvages ! s’exclama alors Hermione, quittant la table pour aller rejoindre Ginny.
Harry jeta un regard rapide à la table de Regulus et il détecta sur le visage d’Abelforth un sourire ravi.
Regulus, lui, était déjà en train de boire son premier Whisky.
Harry et Ron restèrent silencieux pendant plusieurs minutes, ne sachant pas vraiment quoi dire. Ils firent alors semblant de boire lentement l’eau qu’Abelforth leur avait servie.
Harry n’avait aucune difficulté à suivre la conversation entre Abelforth et les Dragons tant ils parlaient fort : les premiers effets de l’alcool se faisaient déjà sentir et Regulus semblait beaucoup plus humain malgré son apparence effrayante.
Les discussions n’étaient pour le moment pas sérieuses, et Abelforth racontait des blagues douteuses qui amusaient grandement Regulus (qui riait aux éclats) et ses Dragons.
Les deux autres Dragons se prénommaient Björn et Frithjof. Ils étaient de toute évidence jumeaux. La seule façon de les différencier était un œil de verre rouge sombre que portait Björn. Tous les deux avaient le front large et semblaient robustes, leurs cheveux étaient rêches et grisâtres, semblables à du poil animal.
Harry était impressionné par les quantités d’alcool qu’ils pouvaient tous les cinq avaler. Abelforth remplissait leurs verres avec amusement, et ils les buvaient de bon cœur.
Hermione et Ginny n’étaient toujours pas revenues, et ils se demandaient ce qu’elles pouvaient bien faire. Harry hésita un instant à se lever pour les rejoindre, mais il fut interrompu par un chant qui s’éleva dans le sombre bar, entonné en chœur par les Dragons.
A la taverne on boit on chante
Le soir en rentrant de l’Enfer
Avec les Dragons ses copains
Qui tous les jours triment comme des elfes
Cassant leurs os brûlant leur peau
Les mains crispées sur leur baguette
Pour faire triompher au royaume d’Hadès
Le Roi Atomiseur de Boudons
Regulus n’avait pas chanté, il s’était contenté d’afficher un sourire presque démoniaque en écoutant ces paroles.
Abelforth n’avait pas non plus chanté, mais il avait affiché un visage totalement imperméable. Il leva un verre et tous les six trinquèrent, avalant un autre verre.
Hermione et Ginny ne tardèrent pas à revenir. Cette dernière avait encore les larmes aux yeux et Harry était admiratif de ses capacités de comédienne.
– On a réussi ! murmura Hermione une fois assise.
– De quoi tu parles ? demanda Ron.
– On est en mission, Ron, je te le rappelle ! Je me demandais vraiment comment on pourrait s’en sortir, mais comme d’habitude Abelforth avait bien prévu les choses !
– Comment ça ? demanda Harry, qui ne pouvait s’empêcher de fixer Regulus.
– Il avait laissé des instructions cachées dans la réserve, répondit Hermione. On va commencer par ça.
Elle sortit discrètement un petit flacon de la poche de sa robe puis versa quelques gouttes du liquide violet qu’il contenait dans une petite coupelle.
– Comment tu vas mettre ça dans leur verre ?
– Ils sont suffisamment saouls pour ne se rendre compte de rien… Wingardium leviosa !
La petite coupelle s’éleva lentement dans les airs et lévita en frôlant les poutres du plafond jusqu’au dessus de la table des Dragons.
– Ca va être dur de bien viser…
– Tu n’es pas au-dessus ! dit Ron.
– Fais le à ma place, alors ! répondit sèchement Hermione.
La coupelle oscilla dangereusement et Björn reçut quelques gouttes sur la tête. Cependant, il ne sembla pas le remarquer et il continua de chanter avec ses camarades en l’honneur de Regulus qui s’était finalement lui aussi mis à chanter.
Hermione répéta l’opération plusieurs fois pour déverser une goutte de la potion dans le verre de chacun des Dragons.
Après cinq minutes, Ron commença à s’impatienter.
– Il ne se passe rien, se plaignit-il.
– Tu n’es vraiment pas patient… je ne vois pas ce qu’on peut faire d’autre à part attendre que la potion fasse son effet.
– Tu n’en as peut-être pas mis assez ! répondit Ron.
– Ron, excuse-moi, mais tes résultats en potions ne te permettent pas de juger de la qualité de ma préparation !
– Chut ! coupa Harry, voyant que ses amis haussaient dangereusement le ton.
– En attendant, vu les gaillards que c’est, une ou deux gouttes de plus n’auraient pas pu leur faire de mal, ajouta Ginny.
– Mais non, regardez ! ils commencent à se sentir moins bien.
– On va accélérer un peu les choses, coupa Ginny.
Elle sortit sa baguette magique discrètement et le pied de la chaise de Walter se brisa, projetant brutalement ce dernier au sol.
Regulus rigola franchement mais Frithjof et Björn restèrent étonnamment silencieux.
– Quelque chose ne va pas, vous deux ? demanda Regulus.
– Ils ne tiennent pas l’alcool, ironisa Stefan, le plus robuste des cinq.
– Nous ? rétorqua Frithjof sur un ton de défit. Tu vas voir, Stefan !
Il ouvrit deux bouteilles d’alcool et remplit son verre d’un sublime mélange ambré aux reflets rouges. Puis il servit son frère Björn du même mélange.
Ils trinquèrent et avalèrent cul sec leur verre sous le regard amusé de Regulus.
– Lequel va vomir le premier ? demanda Regulus à Abelforth.
– Hum, en tous cas, avec ce qu’ils ont avalé, je pense que ça ne va pas tarder, répondit celui-ci.
Pendant ce temps, Walter essayait tant bien que mal de se relever. Son visage était rouge de colère.
– Ne m’aidez pas, surtout, râla-t-il en se cramponnant au dossier de sa chaise. Laslo, ton auberge est vraiment miteuse…
– Les toilettes ! lança Björn.
– Oui, les toilettes ! ajouta Frithjof.
Tous les deux se levèrent brusquement et titubèrent pour rejoindre le couloir des toilettes.
– Tu disais, Walter ? demanda Abelforth, toujours amusé.
– Je disais que ton auberge est dans un piteux état, Laslo, elle n’est pas digne des Dragons ! Regulus, j’ai toujours dit que nous devrions aller ailleurs !
– Tu n’es pas obligé de rester, répondit sèchement Regulus, le regard flamboyant.
Walter parut un instant déstabilisé. Le fait que son avis compte si peu pour Regulus le faisait enrager intérieurement et cela se traduisait sur son visage par une grimace.
Le personnage énervait en tous cas fortement Harry, qui n’avait plus été agacé à ce point par l’attitude d’une personne depuis la cinquième année passée avec Dolores Ombrage.
– Il m’énerve, celui-là, râla Ginny, qui pensait exactement la même chose que Harry.
Cette fois, les quatre pieds de la nouvelle chaise de Walter se brisèrent en même temps. Il s’écroula sur le plancher poussiéreux et deux lames du parquet se soulevèrent.
On entendit des couinements et une dizaine de rats affolés en sortirent.
Il y eut un éclair vert et l’un d’eux tomba raide mort.
– Walter, tu n’as rien d’autre à faire que de t’en prendre à ces pauvres bêtes ? demanda Regulus, le ton moqueur.
– Oh, s’il peut m’en débarrasser, je n’y vois pas d’inconvénient, répondit Abelforth.
– Ce n’est pas à moi de faire ton sale boulot, Laslo ! répondit sèchement Walter, qui s’était à nouveau relevé difficilement. Je ne mettrai plus les pieds dans ce bar !
Walter quitta le bar d’un pas à la fois décidé et maladroit tant il avait bu. Il claqua la porte alors qu’une nouvelle bourrasque glaciale s’était engouffrée dans la pièce, faisant trembler les toiles d’araignées qui envahissaient les poutres du plafond, et soulevant des rouleaux de poussière.
Il y eut un silence. Abelforth, Regulus et Stefan étaient maintenant les seuls encore à table. Frithjof et Björn n’étaient toujours pas revenus des toilettes et personne ne semblait s’en inquiéter.
– On va peut-être augmenter la dose pour Stefan, proposa Hermione en ressortant le flacon de sa robe.
– Désolé pour Walter, bredouilla Regulus à l’adresse d’Abelforth. Il est très colérique et tu as dû comprendre qu’il ne t’apprécie pas trop…
– C’est réciproque, répondit Abelforth tout en servant un autre verre de Whisky Pur-Feu à Regulus.
– Mais il m’est très utile, c’est le plus intelligent de mes hommes, je peux sans problème lui confier des missions de la plus haute importance. Tu devrais en prendre de la graine, Stefan.
Mais ce dernier n’avait pas vraiment l’air dans son assiette. Il était devenu soudain encore plus pâle.
– Je crois que je vais aussi aller aux toilettes, bredouilla-t-il.
Stefan se leva et rejoignit à son tour le couloir d’un pas approximatif. Abelforth et Regulus se trouvèrent donc enfin tous les deux seuls autour de la table.
Harry décela un léger sourire en coin sur le visage d’Abelforth. Mais leur travail n’était pas terminé, Regulus n’était pas encore suffisamment saoul pour pouvoir se livrer complètement à Abelforth, et les Dragons finiraient bien par revenir des toilettes.
– Maintenant que les autres sont partis, je peux sortir ceci…
Abelforth leva sa baguette et une petite bouteille en verre fumé vint se poser sur la table. Elle était couverte de poussière et il dut essuyer l’étiquette pour que Regulus puisse la lire.
– Liqueur de Cèpe Noir de Bulgarie…
– Tout à fait, se réjouit Abelforth, je l’ai ramenée après un voyage, j’ai pensé que c’était l’occasion de la déboucher. Un ami m’en avait proposé un verre un jour, il ne faut même pas songer en boire si l’on n’aime pas la magie noire, mais, Regulus, ce n’est pas ton cas…
Regulus ne répondit rien, il se contenta de fixer avec avidité l’intérieur de la bouteille. Des volutes sombres miroitaient y miroitaient en tourbillonnant.
Abelforth déboucha la bouteille et remplit deux verres à mi-hauteur.
– Il ne va quand même pas boire ça lui aussi ? s’étonna Hermione.
– Il a dû prévoir son coup, répondit Ron. Il a peut-être déjà pris un antidote !
Regulus et Abelforth trinquèrent et burent une gorgée de la liqueur.
Harry, Ron, Hermione et Ginny avaient cessé de faire semblant de discuter et observaient la scène avec de grands yeux ronds.
Abelforth sembla grimacer et il secoua la tête comme pour lutter contre l’effet de la liqueur. Regulus eut une réaction similaire, et pendant une bonne minute, ils ne parlèrent pas.
Abelforth se leva alors en murmurant quelque chose à l’adresse de Regulus. Puis, à la plus grande surprise de Harry, il vint à leur table.
– Vous allez partir ? merci d’être venus dans mon auberge, on va arrondir ça à deux Gallions, je vous revois demain, n’est-ce pas ?
Tous parurent un peu décontenancés mais Hermione fut comme à l’accoutumée la première à reprendre le contrôle de la situation.
– Oui, bien sûr, comme d’habitude, Laslo ! répondit-elle.
– Très bien, c’est cela, répondit Abelforth, faisant semblant de récupérer la monnaie de la main de Hermione.
– Derrière la maison, il y a une porte qui donne au couloir derrière le bar et aux toilettes, assurez-vous de neutraliser les trois Dragons restants, et sans faire de bruit, je m’occupe de Regulus, murmura Abelforth.
Tous les quatre se levèrent et quittèrent le bar, un peu surpris de l’annonce d’Abelforth. Mais Regulus n’était pas dans un état qui aurait pu lui permettre de remarquer leur comportement suspect.
A l’extérieur, le froid était saisissant et ils s’arrêtèrent net sur le pas de la porte.
– Allons-y, on n’a pas de temps à perdre, pressa Hermione.
L’auberge était une vieille maison en bois perdue au milieu d’un immense pré. L’herbe était gelée et craquait sous leurs pieds et le ciel était dégagé de tout nuage, laissant apparaître une myriade d’étoiles. Ce calme n’était perturbé que par quelques bourrasques qui agitaient des arbres disposés parcimonieusement.
Le pré semblait border un grand lac gelé encaissé au fond d’une longue vallée, et nulle part il n’y avait trace d’habitations.
Harry, Ron, Hermione et Ginny ne perdirent pas de vue leur mission et ils contournèrent l’auberge pour trouver la porte de derrière.
En passant devant la fenêtre, Harry put entrevoir Abelforth et Regulus en train de boire un autre verre de la mystérieuse Liqueur de Cèpe Noir de Bulgarie.
La porte n’était pas difficile à trouver, il n’y avait rien d’autre sur la façade arrière, pas même une fenêtre. Dans un grincement qui fut masqué par le sifflement du vent, ils l’ouvrirent. Tout était sombre à l’intérieur et ils durent allumer leur baguette pour se repérer.
Ils se trouvaient dans un étroit vestibule qui donnait sur un sombre couloir et un escalier droit très pentu.
Ils avancèrent lentement pour éviter de faire grincer le parquet. L’auberge semblait être un labyrinthe et le couloir faisait plusieurs angles ce qui rendait leur progression difficile s’ils ne voulaient pas être surpris.
– C’est par ici, chuchota Hermione en montrant une bifurcation du couloir. Les toilettes sont dans ce couloir.
Ils s’approchèrent lentement et entendirent plusieurs voix d’hommes.
– Quelle saleté ! Je ne sais pas ce qu’il nous a fait boire mais…
Mais la phrase ne fut pas terminée et on entendit quelqu’un vomir.
– Bon allez, à trois on entre et on les stupéfixe, c’est d’accord ? proposa Ginny.
– Simple et efficace, répondit Harry. Un…, deux…
– Vous n’irez pas bien loin, couina une voix des plus désagréables pour les oreilles de Harry.
Tous les quatre se retournèrent brusquement et pointèrent leur baguette sur le petit homme qui les menaçait.
Harry reconnut Walter, le visage envahi d’une expression de diabolique satisfaction.
– Rangez vos baguettes ! couina-t-il !
– Non, répondit simplement Harry.
– Ce ne sont pas quatre vieux de votre genre qui vont refuser de m’obéir ? gémit-il.
– Qu’est-ce que vous voulez ? demanda Harry brutalement.
– Vous savez très bien ! Je vous ai observés par la fenêtre en partant et j’ai très bien vu votre petit manège, je savais bien que ce Laslo était un imposteur ! Qui êtes-vous ?
Harry ravala sa salive, Abelforth n’avait peut-être pas été assez prudent et ils n’avaient pas pensé aux fenêtres.
– Alors ? Je sais bien qu’il ne vous a pas fait payer, je vous ai vu faire semblant de lui donner de la monnaie, et vous n’avez cessé d’observer Regulus ! C’est Voldemort qui vous envoie pour l’espionner, c’est cela ?
Ron ne put s’empêcher d’émettre un grognement grossier.
– N’importe quoi, ajouta-t-il.
– Menteurs ! aboya Walter, sa voix se faisant plus aigue.
Il leva sa baguette et s’apprêta à attaquer Ron.
– Impedimenta ! riposta Hermione avant même qu’il ait eu le temps d’ouvrir la bouche.
Walter fut projeté en arrière et s’écrasa contre le mur derrière. Il tenta alors de s’enfuir à quatre pattes dans le couloir mais un éclair rouge de stupéfixion de Harry l’immobilisa définitivement.
– Cette fois on peut y aller ! Un…, deux…, trois !
Ils ouvrirent la porte des toilettes à la volée et stupéfixèrent Stefan qui était penché au-dessus d’un lavabo, en train de régurgiter un liquide d’un vert inquiétant. Ils défoncèrent ensuite les portes des deux toilettes qui étaient verrouillées et neutralisèrent Björn et Frithjof de la même façon.
– Il vaut mieux enfermer Walter avec eux ici, et puis ce sera parfait, proposa Hermione.
– Oui, faisons vite, ça pue ici, répondit Ron avec sa délicatesse habituelle.
Quelques secondes plus tard, leur mission était accomplie, et Abelforth ne risquerait plus d’être dérangé dans sa tâche ardue qui consistait à obtenir des informations sur Regulus et ses Horcruxes de la bouche même de celui-ci.
– Venez ici, il y a un moyen d’écouter ce qui se passe dans la salle à côté, dit Hermione en ouvrant une porte un peu plus loin dans le couloir.
– On dirait que tu as toujours vécu ici, rigola Ron.
– Il faut être un minimum observateur dans la vie, Ronnie, cela te tirera de bien des situations difficiles, répondit-elle avec bienveillance.
Il y avait en fait derrière la porte un minuscule placard à balais dans lequel ils pourraient difficilement rentrer à quatre. Pourtant ils devraient y parvenir tant la vue sur la scène qui se déroulait dans la pièce principale de l’auberge était idéale. Abelforth avait probablement dû aménager spécialement ce placard à balai à cet effet.
Non seulement ils entendaient parfaitement toute la conversation entre Abelforth et Regulus, comme si un enchantement amplifiait le son, mais des trous entre les planches leur permettaient en plus de voir la scène latéralement, c’est-à-dire qu’ils pouvaient voir les visages et d’Abelforth et de Regulus.
– Ah, Regulus, il va falloir entraîner encore tes hommes, dit Abelforth d’un ton las. S’ils ne tiennent pas très bien l’alcool, ils seront fragiles en combat…
– Tu as raison, et pourtant j’ai choisi parmi les sorciers les plus robustes…
– Quand j’entends ce que l’on me dit sur ces idiots de Mangemorts, je me dis que tes troupes sont bien plus puissantes que celles de Voldemort, continua Abelforth, amenant lentement la conversation vers le sujet qui l’intéressait.
– Les Mangemorts ne sont pas un problème, répondit Regulus froidement. Ce sont de vrais guignols…
– Il ne faut pas les négliger pour autant…
– Certes, mais ils sont perdus sans Voldemort. Je fais en sorte que mes Dragons sachent agir par eux-mêmes. Je ne choisis pas n’importe qui, nous partageons les mêmes valeurs, ils ne me suivent pas parce qu’ils me craignent mais parce qu’ils partagent profondément mes idées.
– Quelles sont tes idées ? demanda Abelforth sur un ton hésitant.
Regulus ne répondit pas immédiatement. Il but un autre verre avant de réfléchir à sa réponse. Son esprit semblait totalement embrumé, et une force contre laquelle il ne pouvait lutter le poussa à parler.
Tout cela sembla se lire sur son visage, et Harry décela un regard à la fois confus et perdu. Il craignait d’ailleurs un peu que lorsque l’effet des potions se serait dissipé, Regulus ne se rendît compte de ce qu’Abelforth l’avait forcé à révéler.
– Nous devons couper tous liens avec les Moldus. Le mélange de nos communautés conduira à notre perte. Notre sang est en permanence souillé et cela détruit la pureté de notre magie.
– Certes, répondit Abelforth. Mais ce sont les thèses que défend Voldemort. Je ne comprends pas pourquoi est-ce que tu t’es séparé de lui ?
– Je n’étais pas d’accord avec ses méthodes. Il le savait et cela l’insupportait. Tous ses Mangemorts vénèrent ses moindres faits et gestes, ce n’était pas mon cas et nous étions incompatibles. S’il recherche le symbole, je recherche l’efficacité.
– Je pense que tu as aussi d’autres ambitions ? Prendre sa place, par exemple…
Regulus sembla un peu mal à l’aise. C’était quelque chose qu’il ne voulait visiblement pas avouer.
– Mon ambition est simplement de faire triompher le monde que je crois le meilleur pour nous, sorciers.
– Par quelle méthode ?
– Peu importe la méthode, l’essentiel est le résultat, répondit Regulus un peu froidement.
Harry eut un frisson dans le dos en s’imaginant qu’il serait prêt à massacrer des centaines de Moldus pour parvenir à ses fins.
– C’est vrai que Voldemort a échoué… ajouta Abelforth.
– Voldemort pense plus à lui qu’à la protection de cet idéal pour notre communauté…
– Alors c’est un ennemi pour toi ?
– Oui, répondit froidement Regulus.
Il y eut un long silence. Harry repensa à la nouvelle prophétie, et aux discussions qu’ils avaient eues avec Abelforth à propos d’éventuelles alliances. Le fait que Regulus considère Voldemort comme un ennemi le rassurait un peu, mais le reste de la discussion lui donnait froid dans le dos.
– A partir du moment où il me met des bâtons dans les roues, oui, c’est un ennemi, ajouta Regulus.
– C’est aussi un ennemi personnel, je suppose ? demanda Abelforth. Tu m’as déjà dit qu’il veut te tuer, et qu’il l’a déjà fait. Fort heureusement tu as survécu, mais cela a dû laisser des traces dans votre relation.
– Si j’essaie de te tuer, forcément, tu me considèreras comme un ennemi, répondit Regulus, qui s’était avachi sur le dossier de sa chaise tant il semblait faiblir.
– Voldemort est très fort, poursuivit Abelforth. Tant de personnes ont essayé de le vaincre, mais à chaque fois il a survécu, et il est revenu…
– Je l’ai fait aussi, répondit Regulus. Il m’a tué, et pourtant je suis revenu. Mais il y a une différence fondamentale entre nous.
– Une différence fondamentale ? s’étonna Abelforth.
Harry ne put s’empêcher de sourire, il savait qu’Abelforth avait réussi en menant la conversation sur ce sujet.
– Voldemort a laissé trop d’indices… je sais d’ailleurs que quelqu’un est parfois passé avant moi. Et je suis quasiment certain de son identité.
– Je ne comprends pas très bien, demanda Abelforth. Quelqu’un veut détruire Voldemort ?
– Ne sois pas naïf, Laslo…
– Tu veux parler d’Harry Potter ?
– Bien sûr, et au fond, nous sommes alliés…
Harry manqua de s’étrangler en ravalant sa salive et il émit un toussotement qui se fit entendre. Regulus sembla ne rien remarquer mais Abelforth tourna légèrement la tête vers eux. Finalement, il servit un autre verre à Regulus.
– Donc si je comprends bien, Voldemort a laissé des indices qui peuvent conduire à sa perte ?
– Exactement.
– Ce que toi tu n’as pas fait ? demanda Abelforth.
– Oui, personne ne trouvera les objets qui me protègent, il n’y a pas d’indices, aucune logique derrière tout cela. Je suis invincible et pas même Voldemort ne peut me faire du mal. Bientôt, il sera détruit.
– C’est une bonne chose, répondit Abelforth en buvant une autre gorgée de liqueur.
– Oui, et je n’ai même pas à faire le travail, c’est tellement fascinant de savoir que Harry Potter le fait pour moi. Il ne me restera plus qu’à mettre fin aux jours de Voldemort lorsqu’il sera redevenu mortel, une douce vengeance…
– C’est intelligent, admit Abelforth.
– La principale difficulté est de savoir où en est Harry Potter. Depuis que Dumbledore est mort, ce sera plus simple de le faire surveiller, je vais m’y atteler dans les prochaines semaines, et si c’est nécessaire, je lui donnerai un coup de main de temps en temps…
– Tu es vraiment sûr que ce petit garçon a les moyens de faire tout cela ?
– Il ne faut pas le sous-estimer. C’est l’une des plus grandes erreurs de Voldemort. Je l’ai vu combattre, ses pouvoirs sont conséquents, et il semble être sur une bonne voie pour progresser encore.
– C’est un danger pour toi aussi, alors ?
– Evidemment, et il reste un de ces sales protecteurs des Moldus.
– Cela te fait beaucoup d’ennemis, répondit Abelforth. Ton armée n’est pas encore suffisamment forte.
– Elle est peut-être moins grande, mais nous sommes bien mieux entraînés, et nous nous comprenons parfaitement. Mais ne t’inquiète pas pour mon armée, Laslo, elle va encore s’agrandir. Dès que les dragons seront maîtrisés, j’ai pour projet de prendre le contrôle de l’école Durmstrang pour qu’elle forme directement mes troupes. Il y a là-bas un nid de futurs Dragons qu’il ne faudrait pas négliger.
Abelforth ne répondit pas immédiatement. L’information était inquiétante, mais il était bon de la savoir.
– Cela ne sera pas facile de réussir cela à Durmstrang, plusieurs voyageurs qui sont passés par mon auberge m’en ont parlé. L’enseignement se fait uniquement au service de la magie noire. Ils n’acceptent pas que certaines personnes tentent de détourner cet objectif.
– Ce sera certainement plus difficile de faire cela à Durmstrang qu’à Poudlard, c’est vrai, admit Regulus, mais d’autres l’ont fait avant moi.
– Voldemort n’a jamais réussi à en prendre le contrôle. Karkaroff avait lamentablement échoué à avoir une quelconque influence…
– Je croyais qu’il avait quitté les Mangemorts lorsqu’il est devenu Directeur ? demanda Harry à l’oreille de Hermione.
– Karkaroff avait déjà été professeur à Durmstrang bien avant, lorsqu’il était encore Mangemort, je l’ai lu dans…
– L’Histoire de Durmstrang ? coupa Ron. Ne me dis pas que ce livre existe vraiment ?
– Non, mais il y a une myriade de livres sur cette école. C’est vrai que si l’on élimine les livres stupides qui s’interrogent sur sa localisation, il n’en reste que peu qui sont intéressants, mais quand même, il y a tant de merveilles à Durmstrang. Victor m’avait tout raconté, j’aimerais la visiter, mais seuls les élèves inscrits peuvent s’y rendre et sa localisation est gardée par un enchantement semblable à celui du Gardien du secret.
– Hum…
Abelforth avait toussoté de façon prononcée. Harry, Ron, Hermione et Ginny se sentirent un peu coupables et se turent pour écouter la suite de la conversation.
– J’étais convaincu que le seul moyen de devenir immortel était de posséder la Pierre Philosophale, personne ne m’a jamais parlé d’un autre moyen…
– Evidemment, il y a très peu de sorciers qui le connaissent. Il faudrait de toute façon des pouvoirs immenses, et aussi commettre l’irréparable…
– L’irréparable ?
– Un meurtre.
Abelforth fit semblant d’être choqué.
– Mais tu sais, sacrifier un Moldu inutile, ce n’est pas si grave que cela, Laslo. Il me suffit ensuite de placer un morceau de mon âme dans un objet à la suite de ce meurtre, et tant que cet objet – appelé Horcruxe – est en sécurité, je ne peux être tué.
– C’est fascinant, répondit Abelforth. Ce sont donc les indices dont tu me parlais tout à l’heure.
– Exactement.
– Mais alors comment quelqu’un aurait-il pu trouver ceux de Voldemort ? Il suffit de prendre n’importe quel objet et de le cacher dans un endroit où personne n’a une chance de les trouver…
– Ca parait logique, mais Voldemort, qui se pense plus important, n’a pas choisi n’importe quels objets, mais seulement des objets symboliques pour lui. Il suffit de le connaître un peu pour retrouver leur trace. Il ne s’est en plus pas contenté de cela, il les a aussi cachés dans des endroits qui ont marqué sa vie.
– Alors, tu en as fait ? Des…
– … Horcruxes. Oui, répondit Regulus, j’en ai fait trois, des objets absolument introuvables que je n’aurais moi-même presque aucun moyen de récupérer.
– Comment ça ?
– Trois galets, un que j’ai accroché au cou d’un oiseau migrateur qui ira se perdre sur je ne sais quel continent, un autre que j’ai déposé sur un iceberg qui va naviguer sur les océans et fondre pour libérer le galet qui tombera jusqu’au fin fond des océans, et le dernier que j’ai éjecté dans l’espace et qui explorera les profondeurs infinies de l’univers.
Abelforth cacha difficilement son immense déception.
Harry, Ron, Hermione et Ginny se regardèrent avec un air impuissant. Trouver les Horcruxes de Voldemort était une mission presque impossible, mais ce n’était rien par rapport au problème que représentaient ceux de Regulus.
– Les sortilèges d’Attraction doivent suffire, non ? demanda soudain Ron avec un grand sourire.
– A une si longue distance ? demanda Hermione. Personne n’est capable de produire un sort si puissant.
Abelforth ne sut pas quoi répondre pendant une longue minute. Son plan avait fonctionné à merveille, Regulus lui avait absolument tout raconté. Mais au lieu d’apprendre des détails précis sur ses Horcruxes, ils avaient appris qu’ils n’auraient aucune chance de les détruire un jour. Une semaine de travail pour réussir à le faire parler s’étaient donc soldée par la pire des nouvelles.
Harry avait eu ce mauvais pressentiment que cette journée maudite ne pouvait pas se terminer d’une façon positive. Non, il était nécessaire qu’elle se terminât par une autre mauvaise nouvelle, ou par un évènement catastrophique.
Regulus semblait avoir retrouvé ses esprits, le fait de se rendre compte à quel point il était invincible l’avait revigoré. Il avait abandonné sa mine livide, et ses cheveux s’étaient comme redressés, comme s’il avait repris vie, retrouvé toute son énergie.
On entendit alors une explosion et les planches du mur à côté du bar volèrent en éclat.
Harry fut horrifié en voyant surgir Walter, suivi de Björn, Frithjöf et Stefan.
– Où sont-ils ? hurla Walter en pointant Abelforth de son minuscule doigt.
– Qui ? demanda Abelforth, qui semblait toujours aussi désemparé, arborant l’expression de quelqu’un pris la main dans le sac.
– C’est un espion ! poursuivit Walter, hurlant de plus en plus fort. Les autres qui étaient là tout à l’heure sont ses complices, ils nous ont attaqués et enfermés ! C’est un espion !
Regulus se leva brusquement, les cris de Walter semblaient l’avoir ramené à la réalité.
Mais il n’allait pas bien, les potions qu’Abelforth lui avait fait boire le rattrapèrent et il se mit à tituber avant de s’écrouler.
– Regulus ! s’écrièrent alors les quatre Dragons en se précipitant sur lui.
– Draconis furiosa ! ajouta Walter en direction d’Abelforth.
Des volutes de lumière orangée et dorée l’enveloppèrent avant même qu’il ait eu le temps de réagir. Lentement, elles prirent la forme de dizaines de dragons miniatures qui tournoyèrent autour de lui, passant même à travers son corps.
– Non ! s’écria Harry, défonçant le mur avec un sortilège d’Explosion.
Lentement, Abelforth s’effondra. Il n’avait rien pu faire, encore pétrifié par l’annonce de Regulus.
– Ah, vous revoilà ! Bande de cornichons, vous ne pouvez plus rien cette fois ! couina Walter.
– Qu’est-ce que vous lui avez fait ? hurla Harry.
– Rien de bien méchant, Regulus voudra certainement l’interroger. Mais si vous continuez, les choses vont réellement mal tourner pour vous ! Posez vos baguettes immédiatement.
– Jamais ! Biancker !
Un éclair blanc traversa les airs et les quatre Dragons tombèrent au sol, paralysés pour quelques secondes.
– Vite, stupéfixons-les !
Abelforth n’avait toujours pas esquissé le moindre mouvement, mais ils furent rassurés de constater qu’il respirait normalement.
– Il faut partir d’ici, Regulus commence à bouger, pressa Hermione. L’essentiel est de sauver Abelforth. Maintenant on a eu toutes les informations qu’on voulait, ce serait inutile de prendre des risques.
Elle se pencha sur Abelforth et lui appliqua des sortilèges que Harry ne connaissait pas.
– Hermione dépêche-toi, Regulus commence à bouger.
Ce dernier émit un gémissement prononcé et tenta de se redresser.
– Je fais de mon mieux ! répondit-elle, et puis, stupéfixez-le !
Abelforth se redressa alors brutalement et regarda autour de lui, l’air sonné.
– Suivez-moi ! dit-il alors, comme s’il venait d’avoir une révélation.
– Qu’est-ce que l’on va faire d’eux ? demanda Hermione, inquiète.
– Tant pis pour eux, ce n’est pas le plus important maintenant, il faut faire fuir les dragons tant qu’ils sont neutralisés. Ce sera une bonne chose de faite.
On entendit alors un hurlement bestial à l’extérieur de l’auberge.
– Qu’est-ce que c’est ? s’inquiéta Hermione.
– On dirait bien un dragon, répondit Abelforth. J’ai suffisamment entendu les Suédois à Museau Court que Regulus élève pour en être sûr.
Ginny s’approcha de la fenêtre pour regarder à l’extérieur.
– Ahhhhh !
La fenêtre se brisa et la tête d’un dragon apparut.
Il observa l’intérieur de la pièce puis poussa un autre grognement.
– Ce doit être le dragon que Regulus élève, il a dû sentir qu’il est en danger.
– Attention ! hurla Hermione.
Tous se retournèrent brusquement. Regulus s’était relevé et semblait avoir retrouvé la forme.
Harry repoussa un intense éclair violet avec le sortilège de la Capsule.
Regulus ne sembla pas s’attendre à une telle riposte et la capsule dorée qui avait foncé vers lui le heurta violemment.
Lentement, l’effet du polynectar prit fin et ils reprirent leur apparence habituelle. Regulus devait de toute façon avoir compris à qui il avait affaire et il était inutile d’en reprendre.
Abelforth était en train de combattre le Suédois à Museau Court qui lui envoyait des flammes gigantesques. Plusieurs murs s’enflammèrent et tous s’associèrent pour lutter contre le feu.
– Thundereplix ! tonna Abelforth, déchaînant un orage dans le salon.
Des trombes d’eau s’abattirent alors sur eux et le dragon recula.
Harry se tourna vers Regulus pour continuer de le combattre. Peu importe s’il était immortel, il fallait lui faire le plus de mal possible.
– Poisonnus shoot !
Une Flèche de Mort fusa vers Regulus qui la détruisit d’un coup de baguette magique. Il avait compris l’ampleur du combat qui l’attendait, et il s’était préparé à user de tous ses moyens, peu importe son état.
– Xaïla !
Une vague de lumière rouge fonça sur Harry qui se protégea avec un Dôme. Mais il ne put contenir l’ensemble du sort et l’auberge entière trembla, commençant alors lentement à s’effondrer sur elle-même, ses fondations détruites par la puissance du maléfice de Regulus.
– Gravitatum expulso ! cria la voix d’Abelforth quelque part derrière lui.
L’auberge entière sembla alors s’envoler dans les airs, désintégrée en des milliers de planches, débris de meubles et gravats.
Harry fut propulsé en avant comme par une force invisible.
Il retomba dans l’herbe une dizaine de mètres plus loin. L’auberge avait disparu, à la place, il y avait un cratère d’une dizaine de mètres de diamètre au-dessus duquel Abelforth lévitait.
Les débris de l’auberge retombèrent un peu partout et Harry s’en protégea tant bien que mal avec des sortilèges d’expulsion.
Un hurlement perça à nouveau la nuit. Le dragon de Regulus tournoyait dans les airs au-dessus d’eux. Il cracha une gigantesque flamme qui illumina les alentours.
– Partons d’ici ! hurla Abelforth.
Hermione, Ron et Ginny s’étaient levés à son plus grand soulagement et ils rejoignirent Abelforth.
– Harry ! hurla Ginny.
– Attention ! ajouta Hermione.
Regulus s’était relevé, quelques mètres derrière Harry. Il semblait un peu secoué, mais il avait sa baguette dans ses mains.
Le dragon fonça alors vers lui, se posant à ses côtés. Regulus l’enfourcha et après un autre cri de l’imposante créature, ils s’envolèrent pour dominer la scène.
– Harry, transplane ! hurla Hermione au loin.
– Je dois le combattre, je ne suis pas un lâche ! répondit Harry.
Le dragon lui envoya une flamme gigantesque qu’il annula avec un immense Serpent d’Eau qui lui demanda toute son énergie.
– Thundereplix ! hurla ensuite Harry.
Des nuages noirs envahirent le ciel nocturne, masquant les étoiles et la lune. Plusieurs éclairs traversèrent le ciel dans un fracas assourdissant.
Regulus, par sa position dans les airs, était particulièrement vulnérable à cette foudre, et Harry put reprendre son souffle.
– Harry, viens ! répéta Abelforth, les autres Dragons arrivent, on ne pourra rien faire, surtout après une telle journée !
En effet, au loin dans les airs, on voyait s’approcher cinq autres dragons, chevauchés par des camarades de Regulus, prêts à venir combattre.
– Pierris tornadis ! poursuivit Harry, qui voulait faire le plus de mal possible à Regulus avant de partir.
Une tornade s’éleva dans un bruit de souffle et de raclement. Des rochers de la taille d’une voiture furent arrachés du sol et tournoyèrent dans les airs, mêlés à de la fine poussière.
Mais Regulus s’était débarrassé de la foudre, et il reprit le contrôle de la situation pour faire face à la tornade qui s’approchait dangereusement de lui.
– Gravitatum expulso !
Tous les débris rocheux furent violemment projetés loin de lui et Harry fut surpris par cette réaction.
– Harry ! hurla Hermione une nouvelle fois.
Il fit apparaître un énorme Bouclier d’Argent qui se plia et disparut en recevant un rocher énorme.
Regulus avait repris le contrôle du combat en un claquement de doigt : il avait utilisé le bon sort au bon moment.
Harry esquiva ensuite un éclair vert de mort parfaitement dirigé vers lui avec un autre Bouclier d’Argent.
Regulus s’approchait dangereusement de lui et il était bien plus rapide pour esquiver les sorts tant le dragon qu’il chevauchait était agile.
Harry comprit qu’il n’avait aucune chance en voyant tous ses sorts disparaître dans les airs bien à côté de leur cible.
– Harry, tu vas te décider à partir, oui ou non ? demanda Ginny.
Regulus lui lança un énorme éclair vert qui fit presque fondre son Bouclier d’Argent. Cette fois il se décida et transplana.
– Oui on y va ! hurla-t-il.
Ses amis transplanèrent quelques secondes plus tard et ils se retrouvèrent éparpillés dans le jardin d’Abelforth ; dans la précipitation, leur transplanage avait été bien moins précis.
– On l’a échappé belle, souffla Abelforth, qui s’était avachi sur une chaise de jardin.
– Cette journée est une catastrophe, je crois que l’on ferait mieux d’aller se coucher, râla Harry, qui n’avait plus aucune force en lui.
– Je suis très inquiet à propos de Regulus, ajouta Abelforth, qui n’avait pas vraiment envie de partir se coucher. Je pense que nous ne détruirons jamais ses Horcruxes, il va falloir nous concentrer sérieusement sur ceux de Voldemort et les détruire le plus rapidement possible sans que personne n’en sache rien. Visiblement Regulus sait lui aussi beaucoup de choses et il est bien mieux qu’il ne soit pas au courant. Si l’on arrive ainsi à accomplir la première partie de la prophétie, ce sera déjà un énorme pas, Regulus n’est pas une priorité pour le moment, et au vu de l’étendue de ses pouvoirs et des capacités de son armée, il vaut mieux se tenir à distance de lui.
– Je crois effectivement que c’est la meilleure chose à faire, concentrons-nous sur Voldemort, ajouta Hermione.
– Très bien, je vous recommande vraiment d’aller vous coucher dès maintenant, poursuivit Abelforth. La journée a été épuisante physiquement et émotionnellement pour vous. Je vous contacterai demain pour une réunion exceptionnelle. Il faudra vraiment faire le point sur l’avancement de notre recherche des Horcruxes. Tâchez de passer une bonne nuit et Harry, n’oublie pas de fermer ton esprit.
De retour à Poudlard, Harry, Ron, Hermione et Ginny ne dirent quasiment pas un mot sur le chemin de la salle commune. Ils étaient complètement sonnés, revivant en boucle les évènements tragiques de la journée.
Harry se demandait s’il pourrait un jour l’oublier tant il en connaissait les moindres détails par cœur. D’abord ces rêves flous où il avait vu le visage de Voldemort, puis les sombres mesures du ministère annoncées par La Gazette du Sorcier, l’annonce de l’enlèvement de Maugrey et Mrs Bett, les combats au ministère de la Magie, la vision d’horreur de l’état de Mrs Bett et Maugrey, mutilés et torturés par les Mangemorts, les Moldus massacrés dans l’attaque, le terrible combat contre Voldemort qui avait voulu assassiner Ginny, la lourde chute du professeur Tanghudaï depuis le haut de l’aile Ouest, l’exploration des sous-sols du Donjon de l’aile Sud, le mystérieux fantôme nommé Basile Serpentard sur la Carte du Maraudeur, la discussion avec Lupin durant laquelle il lui avait presque tout révélé, les graves blessures de Tonks et l’annonce de la chute du ministère, un espoir de bien courte durée, puis la déchirante fin de Hagrid, le premier sorcier qu’il ait rencontré, l’annonce de la reprise du contrôle du ministère par les Mangemorts, et enfin les révélations désespérantes de Regulus sur ses Horcruxes et le combat où il a tant semblé invincible.
Tout cela embrumait trop l’esprit de Harry pour qu’il pût s’endormir dans de bonnes conditions. Il s’efforça tant bien que mal de vider son esprit de toutes ses pensées, mais il tomba de fatigue avant d’avoir réussi.
Comme il avait pu le craindre, il passa l’une des pires nuits de sa vie. Non seulement il vécut à nouveau tous ces évènements dans les moindres détails, mais son imagination lui joua des tours. Il rêva que Voldemort le torturait, puis torturait et tuait Ginny et tous ses amis devant ses yeux. Enfin, alors qu’il était attaché à une tombe dans un sombre cimetière, Nagini le dévorait lentement sous les rires diaboliques de Voldemort.
Son rêve sembla alors devenir plus réel. Il était dans la peau de Voldemort. Il tua deux Moldus terrifiés avec des maléfices de Mort et cela lui procura un sentiment de puissance et une satisfaction incroyables. Nagini en dévora ensuite les dépouilles dans un bain de sang.
Le rêve changea à nouveau, il était Nagini et il rampait au sol, sur des dalles humides. Quelques mètres plus loin, il y avait un corps nu étendu sur le sol.
A sa plus grande horreur, il reconnut Ginny. Mais il ne pouvait rien faire, il ne se contrôlait pas. Il commença lentement à la dévorer, hurlant intérieurement pour faire cesser cet horrible cauchemar.
Lorsqu’il rouvrit enfin les yeux, il faisait jour. Abelforth était penché sur lui, entouré de Ron, Hermione et Ginny. Sa cicatrice lui faisait tellement mal qu’il se demandait si la douleur était réelle ou non. C’était comme s’il n’avait pas dormi, il était épuisé, et il n’avait même pas la force de sentir son corps.
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