| Le soleil éclairait les trois sorciers de ses derniers rayons. Il se coucherait bientôt derrière les montagnes qui s’étendaient devant eux, et pour l’instant, sa lumière illuminait la grotte finement sculptée ainsi que le tunnel qui en partait. Harry, Hermione et Ron ne mirent pas longtemps à descendre la petite colline qui surplombait cet étrange édifice où convergeaient les nuages violets, but de leur quête entamée il y avait si longtemps.
Leur descente provoqua de petits éboulis de graviers, mais le bruit ne se répercuta pas dans la grande cavité qui s’ouvrait devant eux. Aucun des Gryffondors ne réalisait vraiment qu’ils étaient parvenus au terme de leur voyage. Ce moment était resté au niveau du fantasme, d’un rêve impossible, et ils n’avaient jamais imaginé enfin l’atteindre.
Les pertes si récentes de ceux qui les accompagnaient, Fitius suivi de Ginny, occultaient tout le reste. La fatigue qui les envahissait n’arrangeait pas les choses. Malgré tout, ils arrivèrent à l’entrée de la cavité et regardèrent au-dessus d’eux le tourbillon de nuages qui se formait au-dessus de leurs têtes.
Avec une drôle d’impression qui l’habitait, Harry rentra dans la cavité aussi grande qu’un immeuble et malgré la foule de sentiments qui l’habitaient en cet instant, il ne pu s’empêcher d’admirer la beauté des lieux. L’eau et le temps avaient ciselé la roche dans des formes incroyables, presque non naturelles, et les rayons du soleil la faisaient scintiller comme si elle était constituée de millions de diamants.
La baguette à la main, le jeune Gryffondor s’approcha du tunnel et regarda l’intérieur. Il était très sombre et avait été taillé grossièrement dans la roche. Seuls les deux premiers mètres étaient visibles grâce aux rayons solaires, mais le reste était plongé dans la pénombre. Les trois sorciers restèrent un moment devant l’entrée, comme s’ils n’osaient pas la franchir, comme si les derniers mètres à accomplir étaient les plus difficiles. Et ils l’étaient bel et bien, se dit Harry, qui savait ce qui l’attendait.
Finalement, il prit son courage à deux mains et rentra dans le tunnel d’un pas décidé. Il parcourut quelques mètres lorsqu’il entendit un cri de surprise derrière lui. Il fit volte-face et vit Hermione qui était assise par terre, l’air sonnée.
- Ca va ? lui demanda-t-il en revenant auprès d’elle.
- Je n’ai pas pu entrer, expliqua-t-elle en se remettant debout avec l’aide de Ron. Je t’ai suivi et j’ai eu l’impression de marcher dans un mur.
Ron s’approcha de l’entrée et pour vérifier, il essaya de faire passer sa main. Mais elle resta coincée, comme si elle était bloquée par un mur invisible.
- Essaie de lancer un sort, lui conseilla Harry.
Ils s’écartèrent prudemment, puis Ron leva sa baguette et lança un sortilège dans l’entrée. Mais le rayon fut réfléchi comme s’il avait rencontré un miroir. Harry ressortit du tunnel sans difficulté, puis avec une certaine appréhension, il y rentra de nouveau. Mais il ne fut pas gêné le moins du monde.
- Il n’y a sûrement que la Clé qui peut y entrer, fit remarquer Hermione après un instant de réflexion. Normalement, seul la Clé peut permettre d’accéder à la Pierre. Sinon tout le monde pourrait la trouver.
- Alors on fait quoi ? demanda Ron.
Harry eut soudain une idée.
- Donne moi la main, dit-il à Hermione. Je peux peut-être te faire entrer.
Hermione s’exécuta et prit la main du Gryffondor, puis elle s’avança avec prudence vers le tunnel. Et cette fois-ci, elle ne rencontra aucun mur invisible. Une fois qu’elle fut passée, Harry prit la main de Ron et lui permit de les rejoindre. Phélos le phénix continuait de voler calmement devant l’entrée.
Harry tendit la main pour toucher une plume du phénix mais il resta hors de portée. Phélos regarda les trois Gryffondors de ses yeux perçants. Il poussa un petit cri aigu qui sonna aux oreilles de Harry comme un au revoir, puis il prit progressivement de la hauteur. Il chanta alors longuement, et chaque note était chargée de souvenirs et de tristesse. Ses longues ailes de rouge et d’or battaient paisiblement et il disparut alors dans une gerbe de feu. Harry crut discerner trois petites ombres qui tombèrent vers le sol. Il était certain qu’il s’agissait des larmes du phénix, le dernier hommage de Phélos.
- Pourquoi est-ce qu’il est parti ? demanda Hermione.
- Il a fait ce qu’il avait à faire, répondit Harry. Il ne peut sûrement pas aller là ou nous allons.
Il se retourna. Il s’était attendu à ce que le phénix parte, bien qu’il n’en ait rien dit. Dans son cœur, il avait toujours su que seuls Hermione, Ron et lui-même atteindraient la Pierre. Ils avaient commencé à trois, et tout se finirait à trois. Le phénix les avait grandement aidé et les trois Gryffondors s’étaient profondément attachés à lui, en particulier dans ces moments de chagrin. Mais il fallait poursuivre.
Harry regarda devant lui. Le tunnel était assez étroit et ils étaient serrés les uns contre les autres. Ils levèrent leurs baguettes tandis que les derniers rayons du soleil disparaissaient et plongeaient le tunnel dans la pénombre.
- En tout cas, tu es le seul à avoir pu entrer dans le tunnel, et je pense que tu es également le seul à pouvoir utiliser la Pierre ici, murmura Hermione.
L’atmosphère était étrange et elle n’osa pas parler à voix haute.
- Ca veut dire que c’est moi qui doit m’en emparer, dit gravement Harry, si on veut tuer Voldemort.
- Harry, chuchota Hermione, on peut encore faire demi-tour. Si tu le tues, tu es coincé ici.
- J’ai déjà pris ma décision, répondit Harry. On continue.
- Mais...
- Laisse le Hermione, la coupa Ron. Il sait ce qu’il fait.
- C’est ton ami, lui dit-elle d’une petite voix. Ca ne te gêne pas, toi, qu’il reste bloqué dans ce lieu.
- Il sait ce qu’il fait, répondit Ron d’une voix rauque. Et je comprends qu’il veuille se venger. Moi aussi je le ferais.
- Mais toi tu pourras quitter ces Terres.
Elle regarda avec un air de panique ses deux amis. Elle était persuadée au fond d’elle-même qu’ils renonceraient à poursuivre. Elle pensait qu’à la toute fin, Harry changerait d’avis et préférerait faire demi-tour pour quitter ces Terres plutôt que de se venger inutilement.
- Harry, je n’ai pas envie qu’on te perde comme on a perdu Ginny, se lamenta-t-elle. Voldemort est condamné à mourir ici. Ca ne te suffit pas ?
- Je ne changerai pas d’avis, répondit Harry fermement et avec une lueur terrible dans le regard qui effraya Hermione. Maintenant on continue.
Il avança sans hésitation dans le couloir, suivi de près par Ron, tandis qu’Hermione les regardait s’enfoncer dans l’obscurité avec un désespoir grandissant.
- Viens Hermione, lui dit Ron en se retournant après quelques mètres et en lui tendant la main. Autant que tout ça se termine rapidement.
Elle s’avança auprès de lui avec douleur, des larmes coulaient sur son visage et elle lui prit la main comme s’il s’était agi d’une bouée de sauvetage qui l’empêcherait de se noyer dans un océan déchaîné. Sa baguette était dans sa robe mais elle n’avait pas la force de la sortir. Dans son coeur, il subsistait un petit espoir qu’Harry change d’avis lorsqu’il verrait la Pierre, mais il était bien maigre.
Ron et Hermione rattrapèrent bientôt Harry qui filait dans le couloir obscur, et ils constatèrent que la pierre brute qui le constituait disparaissait pour être remplacée par de la pierre délicatement taillée. Plus étrange encore, la pierre semblait émettre une douce lueur bleue, comme dans...
- La salle de mon rêve, murmura Harry.
- Quoi ? demanda Ron.
- Dans mes rêves avec le nain, je me trouvais dans une salle bleue avec des murs identiques à ceux-là. La lumière semblait provenir de la roche elle-même.
Ils observèrent l’étrange phénomène avec appréhension.
- Ca veut dire que ta salle bleue existe réellement ? s’étonna Hermione. Et le nain aussi ?
- Peut-être, répondit Harry.
Ils levèrent un peu plus leurs baguettes mais leurs sortilèges pour éclairer le tunnel restaient inefficaces. Sans un mot, Harry s’engagea dans ce nouveau tunnel. Il était parfaitement rectiligne, et les trois sorciers eurent l’impression de le parcourir pendant plus d’une demi-heure. Ils commençaient à se demander s’ils allaient en voir le bout lorsque le tunnel s’élargit et se divisa en trois. Les nouveaux tunnels étaient parfaitement identiques.
- Un labyrinthe, dit Harry, comme je l’ai vu dans la cabane du jumeau.
Ils regardèrent chacun des chemins qui s’offraient à eux mais rien ne les incitait à en prendre un plutôt qu’un autre.
- On choisit lequel ? demanda Ron. Tu l’as vu dans ta vision ?
- Non, répondit Harry. J’ai juste vu qu’on suivait à un moment une fumée violette.
Il s’approcha alors du tunnel du milieu.
- Prenons celui-là, dit-il.
Ron et Hermione ne contestèrent pas le choix et suivirent Harry dans le dédale qui s’ouvrait sous leurs pas. Ils marchaient rapidement et à chaque recoin, ils craignaient de voir apparaître Voldemort devant eux. Les tunnels se subdivisaient sans cesse, et au bout d’un certain moment où ils ne firent que tourner en rond, Harry, Hermione et Ron commencèrent à se sentir mal à l’aise. Ils étaient perdus et ils ne voyaient pas comment trouver leur chemin. Parfois, Harry croyait distinguer une silhouette humaine éclairée par la lueur bleutée, mais elle disparaissait rapidement.
Harry accéléra la cadence, sa respiration se faisait plus saccadée, et il choisissait les différents embranchements sans vraiment y réfléchir. Puis au détour d’un couloir, il aperçut une autre de ces silhouettes, et il vit avec un pincement au coeur qu’il s’agissait de ses parents. Ils se tenaient immobiles et ne semblaient même pas apercevoir les trois sorciers. Harry se retourna et vit dans les yeux terrifiés de Ron et Hermione qu’il n’était pas le seul à avoir ces visions.
Il approcha lentement et se tint près à attaquer à la moindre alerte. Ses parents semblaient aussi transparents que des fantômes, et ils brillaient d’une lueur bleutée, à moins que ce ne soit la réflexion des murs. Leurs yeux étaient recouverts d’un voile blanc qui rappela à Harry les yeux morts des Inferi qui avaient essayé de l’emporter dans le lac, il y a un an. Il eut un bref haut-le-cœur face à cette vision. Il s’attendait à rencontrer beaucoup de choses dans ce dédale, mais sûrement pas une apparition aussi sordide que ses parents qui ressemblaient à des spectres.
Il passa devant eux et ils ne l’empêchèrent pas de continuer. Il essaya de ne pas lever la tête pour ne pas croiser leurs regards vides. Ron et Hermione le suivirent, horrifiés, puis continuèrent d’avancer. Au moment où le tunnel se divisait de nouveau, les trois sorciers se retournèrent et constatèrent que les parents de Harry étaient toujours au même endroit.
- Qu’est-ce que c’est ? murmura Hermione.
- Je n’en sais rien, répondit Harry.
Mais il s’était déjà engagé dans un nouvel embranchement. La vision l’avait révulsé mais ce n’était rien comparé à ces deux derniers jours, où il avait perdu Fitius, Ginny et avait appris le plan de Dumbledore. Il savait que ce n’était qu’un maléfice du labyrinthe, mais il se demanda pourquoi rien ne s’était passé.
Il s’arrêta brusquement. Devant lui se tenait Mr Weasley, le regard tout aussi mort que les parents de Harry. Aucune expression, aucun sentiment n’était visible sur son visage. Les trois sorciers passèrent rapidement devant cette vision, et Ron fit tout son possible pour ne pas la voir. Il avait la mâchoire serrée lorsqu’il frôla le spectre de son père, et des frissons le parcoururent longtemps après que la silhouette bleutée de Mr Weasley disparut.
Harry s’y attendait et il constata avec effroi qu’il avait raison. Bientôt, ce fut Sirius qui fut visible au détour d’un couloir. Son apparence était tout aussi effrayante. C’était le contraire du phénomène qui s’était déroulé dans le cimetière où Voldemort avait retrouvé son corps, lorsque leurs baguettes avaient été reliées et que des hommes et des femmes en étaient sortis. Ils semblaient alors auréolés de lumière et avaient l’air vivants. Leur présence avait redonné courage et espoir à Harry. Mais ici, dans ce labyrinthe froid, il était difficile de regarder trop longtemps les terribles apparitions qui n’inspiraient qu’horreur et dégoût.
Puis Harry, Hermione et Ron rencontrèrent Dumbledore. Le coeur de Harry se gonfla de haine et il passa en un coup de vent devant la sinistre apparition de son ancien mentor qui l’avait si lourdement trompé, le condamnant pour la réussite de ses plans. Ils passèrent devant l’apparition de Neville. Fitius suivit, pas plus de cinq minutes plus tard. Il était méconnaissable, et ses cheveux battaient contre son visage et cachaient ses yeux vides.
Harry savait quelle allait être la prochaine apparition, et Hermione le comprit car elle lui prit la main pour le réconforter. Lorsque Harry aperçut une lueur bleutée qui flottait devant lui, il ferma les yeux et avança à tâtons, les lèvres tremblantes et les larmes coulant sur son visage. Il ne voulait pas voir Ginny ainsi, dans cette apparence si spectrale, avec ses yeux morts et froids, eux qui avaient été si vivants. Il ne voulait pas emporter avec lui une telle vision. Ca ne pouvait pas être la dernière image de celle qu’il aimait. Il ne pourrait pas le supporter.
Hermione le guida et elle sentit la main de Harry serrer fortement la sienne. Puis lorsqu’ils eurent marchés quelques minutes et que Ginny ne fut plus visible, elle lui lâcha la main. Harry ouvrit les yeux, et ceux-ci étaient rouges. Il se les essuya avec sa manche et remarcha sans dire un mot.
Ils avancèrent à l’aveuglette pendant plus de quinze minutes, mais ils ne croisèrent plus aucun spectre. Ils se demandaient si cela signifiait qu’ils étaient sur la bonne voie lorsqu’une lueur violette apparut soudain sur le mur bleuté qui était devant les Gryffondors. Ils stoppèrent net et levèrent leurs baguettes. L’éclat violet se fit de plus en plus intense, puis de la fumée apparut en face d’eux. Ce n’était pas très clair dans la vision que Harry avait eue dans la cabane, mais maintenant qu’il avait le phénomène devant les yeux, il fut certain qu’il s’agissait d’un nuage violet. Le même que ceux qui filaient dans le ciel pour converger vers cet endroit.
Ca avait la même consistance, les mêmes nuances de couleur et flottait de façon identique que les nuages qu’ils avaient suivis pendant des semaines. Pourtant, Harry fut saisi de crainte face au nuage. Il sentait qu’il était dangereux et qu’il ne devait pas le toucher, sans même savoir pourquoi. Tout comme dans sa vision. Pourtant, dans cette même vision, il rentrait en contact avec le nuage, et il semblait les guider dans ce labyrinthe.
- Reculons, dit Hermione.
- Dans ma vision, on le touchait, répliqua Harry.
- C’était peut-être un piège.
- Mais c’était peut-être parce que le jumeau savait ce qu’il fallait faire pour accéder à la Pierre. Il faut suivre cette fumée.
- Et si ça nous tue ?
- Hermione, siffla Harry, on est perdu. Il faut qu’on sorte d’ici, et dans ma vision, c’est ce nuage qui nous aidait.
- Mais tu sens qu’il est dangereux ?
- Bien sûr.
Ron, quant à lui, restait muet et regardait avec inquiétude le nuage violet se rapprocher tout doucement d’eux. Harry s’avança alors fermement sous les cris apeurés d’Hermione, et il plongea sa main dans l’étrange substance. Le nuage brilla soudainement, puis il s’étira et commença à filer dans le tunnel.
Sans perdre un instant, Harry se lança à sa poursuite. Il entendit les pas précipités de Ron et d’Hermione derrière lui mais il ne se retourna pas pour les regarder. Le nuage avançait à toute vitesse et Harry ne voulait pas se laisser distancer surtout lorsque le tunnel se séparait en plusieurs embranchements. Les minutes passèrent et le nuage ne ralentissait pas sa course. Il scintillait devant eux et glissait en silence, les menant toujours plus loin dans le dédale.
Puis il arriva devant une ouverture et il s’évapora soudain en un millier de petites particules violettes qui retombèrent doucement sur le sol. Avec une certaine appréhension, Harry leva sa baguette et s’approcha de l’ouverture. Elle menait à une petite salle dont le sol était en bois et dont les quatre murs, faits avec les mêmes pierres que les tunnels du labyrinthe, émettaient une douce lueur bleutée.
Il se trouvait dans la Salle Bleue qu’il avait si souvent rêvée. Il y rentra avec précaution, en compagnie de Ron et d’Hermione. A sa gauche se trouvait le nain bleu, avec sa longue cape violette, qui les fixait de ses yeux graves et d’un bleu acier. Il était debout et observait les trois sorciers comme s’il les attendait.
- Harry, c’est la salle de ton rêve ? demanda Hermione l’air effrayée.
Harry hocha la tête et continuait de regarder le nain. Celui-ci parla dans son habituelle voix désagréable qui ressemblait à des milliers de verres que l’on fracasserait par terre.
- Vous y êtes presque...
- Où est la Pierre ? demanda Harry.
- En ce lieu, vous seul pouvez l’utiliser, continua le nain.
Harry regarda Hermione qui avait vu juste. Seule la Clé pouvait contrôler les pouvoirs de la Pierre dans les Terres Brumeuses.
- Pourquoi ne doit-on pas la sortir ? demanda Harry.
- Est-ce que quelqu’un d’autre est passé par ici ? questionna Hermione au même moment.
Mais le nain ne répondit ni à l’un, ni à l’autre. Il se contenta de fixer les Gryffondors avec son sourire le plus énigmatique. Au bout de quelques minutes pendant lesquelles les Gryffondors n’osèrent pas bouger, il parla enfin.
- Mourir ici par la Pierre…est irrémédiable, dit-il.
- Même avec des Horcruxes ? demanda Hermione.
Le nain ne répondit pas. Il leva un bras et indiqua le mur qui était en face de l’entrée. Harry tourna la tête et aperçut une grosse porte faite dans le même bois que le sol. Il était persuadé qu’elle n’y était pas lorsqu’il était entré dans la salle. Il regarda Hermione qui ne savait plus quoi dire. Apparemment, le nain ne semblait plus vouloir répondre à leurs questions et il continuait à fixer la porte qui était apparue.
Harry s’avança alors en direction de la sortie –si toutefois c’était une sortie-, et fit signe à Hermione et à Ron de le suivre. Au moment où il tourna la petite poignée dorée, il jeta un regard en arrière et il vit le nain qui continuait de les regarder sans aucune expression sur le visage. Il serra plus fermement sa baguette puis ouvrit la porte brusquement.
Devant lui se trouvait une vaste grotte étrangement semblable à celle qui se trouvait à l’entrée du tunnel et qui brillait de milles feux sous les rayons du soleil. Mais cette cavité ne donnait pas sur l’extérieur. Pourtant, elle était éclairée comme en plein jour alors qu’aucune torche n’était visible. A proximité de la porte où se tenaient les Gryffondors se trouvaient d’autres portes, toutes faites dans ce même bois noir. Pouvait-il y avoir plusieurs Salles Bleues ? Et plusieurs nains ?
Mais ce ne fut pas cela qui fit frémir Harry et qui attira son regard comme un aimant. Juste en face de lui, à une centaine de mètres, la Pierre Originelle trônait sur un petit piédestal de pierre. Il s’avança lentement et baissa sa baguette, comme subjugué par cet objet si petit et si terrible. Elle brillait d’une douce lueur orangée et était taillée grossièrement sur le dessus, tandis que la base était aussi lisse qu’un oeuf. Elle ne devait pas faire plus de dix centimètres, mais elle exerçait sur eux une terrible attraction. Sa puissance était palpable et il la sentait irradier tout autour d’eux et dans toutes les Terres Brumeuses, et peut-être même dans leur monde à eux.
Les trois Gryffondors continuaient à marcher en silence vers l’objet de leur quête lorsqu’Hermione s’arrêta.
- Harry, cette Pierre ne doit jamais quitter cet endroit, dit-elle d’une voix ferme mais qui trahissait un profond malaise.
- Je sais, répondit Harry.
- Est-ce que tu sens comme elle est maléfique ?
Le jeune Gryffondor hocha la tête, même si maléfique n’était pas le mot qui convenait. Il comprenait, tout comme Ron et Hermione, pourquoi les Fondateurs avaient soudain pris peur et avaient cherché à bloquer la Pierre dans ces Terres, et Harry admit lui-même qu’il comprenait la raison d’être du plan de Dumbledore. La Pierre semblait pulser, comme si elle émettait des ondes non pas mauvaises, mais anormales. Ce n’était pas un objet corrompu, c’était un objet qui n’avait aucune raison d’être. Il ne pouvait pas l’exprimer avec des mots, mais il le sentait dans tout son corps.
- C’est la Pierre qui est responsable de ce qui se passe dans ces Terres, dit Hermione. La Montagne Noire, le dragon géant, les deux jumeaux, ces ombres qui flottaient dans la forêt… Harry, c’est sûrement son influence qu’on a ressentie dans le passage qui menait aux Terres Brumeuses.
Harry était d’accord avec elle et Ron approuva également.
- Il ne faut pas que la Pierre aille dans notre monde, martela Hermione, quoi qu’il puisse se passer. Je n’ose même pas imaginer les effets que ça pourrait avoir.
Le regard du jeune Gryffondor fut attiré par une petite structure située à une vingtaine de mètres derrière la Pierre. Une sorte de voile semblait flotter et avait perturbé le regard de Harry.
- C’est peut-être par là qu’on quitte ces Terres, dit-il. Que vous quittez ces Terres, ajouta-t-il sombrement.
Mais Hermione poussa une exclamation et ouvrit des yeux ronds.
- Harry, tu ne le reconnais pas, bredouilla-t-elle en montrant le voile.
Harry regarda plus précisément et il fut plus étonné que tout ce qu’il avait rencontré jusqu’à présent. Le voile flottait devant une arche de pierre. Une arche qu’il avait déjà vue.
- Dans le Département des Mystères, souffla Harry.
Il n’y avait aucun doute possible. C’était l’arche qui se trouvait en bas des gradins de granit de la salle du Département des Mystères. Là où Sirius était mort lorsqu’il était passé par delà le voile.
- Ca signifie quoi ? demanda Harry. Le Ministère était au courant de ce passage et de la Pierre ?
- Non, affirma Hermione. Je suis certaine que nous sommes les seuls à savoir. Mais cette Pierre, elle doit avoir un lien important avec la mort. Harry, il ne faut surtout pas qu’elle quitte cet endroit ! Tu dois...
Une porte s’ouvrit à la volée derrière eux. Une porte située à gauche de celle que les Gryffondors avaient empruntée. Une porte sur le pas de laquelle se tenait un être décharné, entouré d’ombres, le visage blanc sur lequel luisaient deux yeux rougeoyants. Les Gryffondors virent avec horreur la terrible silhouette de Voldemort s’arrêter brusquement et les contempler avec surprise. Puis les regards des quatre sorciers convergèrent sur la Pierre et tout se précipitèrent sur elle.
- Harry attrape la Pierre ! cria Ron en pointant sa baguette sur Voldemort et en lui lançant des sortilèges.
Harry étant le seul à pouvoir utiliser la Pierre et à éliminer Voldemort, la course de Ron et d’Hermione ne rimaient à rien. Tout ce qu’ils pouvaient faire, c’était freiner Voldemort pour donner à Harry suffisamment de temps pour s’emparer de la Pierre. Apparemment, Hermione avait pensé la même chose car elle se tourna brusquement vers le mage noir et l’attaqua violemment. Mais comment contrer l’un des puissants sorciers ayant jamais existé ?
Harry poursuivit sa course seul, courant de toutes ses forces, espérant ne pas faillir sur les derniers mètres qui le séparait du piédestal, après les kilomètres avalés durant leur quête. Ses jambes étaient en feu et ses poumons semblaient ne recevoir que de l’air brûlant. Il ne se retourna pas, par peur de trébucher ou de voir où étaient les autres. Il entendait des sortilèges fuser dans la caverne et des bruits de pas précipités. Il n’était qu’à dix mètres. Voldemort était loin derrière lui. Mais la Pierre se rapprochait si lentement. Plus que cinq mètres.
Sachant qu’il se condamnait lui-même, il ne se posa malgré tout aucune question et n’éprouva aucune peur lorsqu’il approcha la main de la Pierre Originelle. Puis il vit un flash vert. Il entendit une bourrasque de vent. Un cri. Un corps qui tombe. Et il ferma la main sur l’objet de leur quête tout en se retournant.
Voldemort était à une vingtaine de mètres de lui, et pour la première fois, une terreur sans nom se lisait dans ses yeux qui fixaient la Pierre tenue fermement par Harry. Mais il vit également Hermione, étendu sur le sol, immobile, avec Ron à genoux à ses côtés. L’air lui manqua brusquement. Il crut être victime d’une vision, tout aussi horrible que celles du labyrinthe. Mais les cris désespérés de Ron étaient d’une cruelle réalité, et ses larmes qui tombaient dans la chevelure broussailleuse d’Hermione n’étaient pas une hallucination.
Voldemort restait immobile, regardant le corps sans vie d’Hermione que son sortilège avait fauché sans pitié, et reporta son regard sur Harry, et il sut alors que tout n’était pas perdu. Il laissa tomber sa baguette, qui ne lui était plus d’aucune utilité, et son visage fut déformé par un rictus mauvais.
Harry le regarda et la haine était si visible sur son visage que Voldemort tressaillit, conscient que son destin était finalement peut-être scellé. Harry sentit la chaleur de la Pierre Originelle dans sa main qui irradiait son corps et son regard croisa celui de Voldemort. Il sentait le pouvoir de la Pierre, le pouvoir d’ôter la vie par sa simple volonté.
- Sauve-la ! cria Ron.
Harry regarda brusquement Ron. Les larmes coulaient sur son visage et il regardait Harry avec un air apeuré, perdu.
- Sauve-la ! répéta-t-il.
Harry regarda de nouveau Voldemort qui restait à distance, et dont le rictus ne fit que s’élargir. Puis il reporta son attention sur Hermione.
- Utilise la Pierre ! hurla Ron. Ramène-la !
Harry ouvrit la bouche mais il resta muet. Il semblait avoir perdu la faculté de parler tandis que ses pensées tourbillonnaient dans sa tête, l’horrifiant devant ce qu’il allait devoir choisir. Devant la décision qu’il lui fallait prendre. Mais comme Trelawney lui avait dit il y avait des mois, c’était une décision qu’il avait déjà prise.
- Harry, s’il te plaît ! cria Ron qui tenait toujours Hermione dans ses bras. Qu’est-ce que tu attends ?
- Je ne peux pas, dit Harry d’une voix rauque tout en étant nauséeux en entendant ses propres paroles, qui lui semblaient cependant être la sagesse même, mais qui étaient aussi méprisables que les machinations de Dumbledore.
- Bien sûr que si, tu peux ! Utilise la Pierre pour la ramener !
- Voldemort ne possède pas la Pierre, répondit Harry. Si je ne le tue pas avec, il quittera cet endroit.
Il savait que seul la Pierre Originelle pouvait tuer définitivement Voldemort. Utiliser un sortilège de la mort n’aurait été d’aucune utilité, ses Horcruxes pourraient encore le protéger. Alors que la Pierre l’éliminerait de manière irrémédiable. Le nain l’avait assuré.
- Ca m’est égal ! hurla Ron. Sauve-la !
- On est venu ici pour le tuer, dit Harry.
- Je m’en fous ! cria Ron comme un dément tout en levant les yeux sur Harry. Tu attends quoi ?
Harry s’approcha d’Hermione et s’agenouilla auprès d’elle, tout en continuant à fixer Voldemort. Mais il ne bougeait pas. Il restait immobile, sa baguette posée à ses pieds.
- C’est la seule manière de le vaincre, dit Harry en montrant la Pierre à Ron. Si je sauve Hermione, je ne pourrai pas le tuer.
- Alors donne-la-moi ! répliqua Ron en tendant sauvagement la main. C’est moi qui vais la sauver !
- Je suis le seul à pouvoir utiliser la Pierre ici, répondit Harry. Tu ne pourrais pas la faire revenir.
- Dans ce cas je quitte ces Terres, je...je passe par le voile, je la sauve, et je te ramène la Pierre, bredouilla Ron.
- Je ne pense pas que ce passage marche dans les deux sens, dit Harry. Si tu passes par le voile, tu ne pourras plus revenir ici. La Pierre ne doit pas quitter ces Terres. Hermione nous l’avait dit. Que quoi qu’il se passe, il ne fallait pas qu’elle arrive dans notre monde.
- Eh bien elle changerait d’avis maintenant ! répondit Ron avec des sanglots dans la voix. S’il te plaît.
- Je suis désolé.
Et il se releva avec douleur, abandonnant son amie sur le sol froid, et regardant Voldemort dont les yeux frémirent de peur.
- Ron, dit-il lentement, passe par le voile et emmène Hermione. Je...je vais faire ce qu’il faut faire.
Mais Ron leva des yeux implorants sur Harry et sanglota de plus belle.
- Harry, sauve-la. Je t’en prie.
- Ron, demande toi ce qu’Hermione aurait voulu qu’on fasse, dit Harry. Qu’est-ce qu’elle nous aurait demandée de choisir ?
Ron baissa les yeux sur le corps d’Hermione qui était dans ses bras. Ses paroles étaient incompréhensibles et il lui fallut un moment pour parler clairement.
- Elle nous demanderait de tuer Voldemort, dit-il finalement.
Harry s’approcha de Ron et lui posa la main sur l’épaule. Celui-ci hocha la tête en silence, les yeux remplis de larme, et souleva le corps d’Hermione.
- Va-y, murmura Harry. Et je m’occupe de lui.
- Et toi ? bredouilla Ron.
Mais Harry ne répondit pas. Il regarda gravement Ron puis passa une dernière fois la main sur le visage détendu d’Hermione. Alors il leur tourna le dos et marcha vers Voldemort. Derrière lui, Ron se dirigea à pas lents vers le voile, la respiration secouée de sanglots. Harry s’arrêta à quelques mètres de Voldemort et son regard se fixa sur celui, rougeoyant, du mage noir. Il attendit quelques instants, puis les pas de Ron qui résonnaient dans la salle s’évanouirent.
- C’est fini Tom, dit calmement Harry. Tes Horcruxes ne te sont d’aucun secours ici.
La peur qui se lisait dans les yeux de Voldemort suffisait à prouver à Harry qu’il le savait également. Peut-être le nain lui avait dit, à lui. Mourir ici, par la Pierre Originelle, était définitif, irrémédiable.
- Tu n’as jamais rien compris Tom, poursuivit Harry de la même voix mesurée.
Il tenait à faire payer à Voldemort toutes ces morts, toutes ces pertes qu’il avait subit. Il voulait qu’il comprenne qu’il était condamné depuis toujours. Il voulait prendre sa revanche, aussi illusoire soit-elle.
- Dumbledore tire les ficelles depuis le début. Tu es mort parce qu’il l’avait décidé. Tu es revenu parce qu’il l’avait voulu. Tu as été mis au courant de l’existence de la Pierre grâce à Rogue qui t’a trahi. Et si tu avais possédé la Pierre, tu aurais été bloqué ici.
Harry lui expliqua l’ensemble du plan de Dumbledore, et plus il progressait dans son récit, plus Voldemort montrait un étonnement qu’Harry ne lui avait jamais vu, mais également une peur sans nom. Voldemort ne dit rien, mais la panique était lisible sur son visage de serpent.
- Tu n’étais qu’un pion Tom, finit Harry. Un simple pion sur un gigantesque échiquier, et Dumbledore te déplaçait quand il le voulait.
- Dans ce cas, tu es toi aussi condamné, siffla-t-il. Tu possèdes la Pierre.
- Je sais, répondit calmement Harry. Mais je savais ce qui m’attendait. Contrairement à toi.
Il fit un pas vers Voldemort qui frémit.
- Nous sommes tous les deux des victimes, siffla-t-il. Dumbledore t’a manipulé tout comme moi.
- Une victime ? railla Harry avec colère. Tu ne mérites que la mort !
Les yeux du mage noir se dilatèrent. Il fit un pas en arrière et regarda Harry avec tristesse.
- Je voulais seulement être immortel, dit-il avec calme et presque avec regret.
Les yeux de Harry plongèrent dans ceux de Voldemort et avec une volonté sans faille, il exerça son pouvoir sur la Pierre Originelle. Les yeux de son ennemi s’agrandirent sous la surprise, puis l’étincelle de vie qui les habitait s’évanouit. Il tomba à genoux puis s’effondra par terre. Dans la main de Harry, la Pierre Originelle brilla et chauffa légèrement, comme pour accueillir l’offrande qui lui était faite, puis elle retourna à son état normal. Le voile s’agita comme sous l’effet d’une brise légère. Voldemort était vaincu.
Harry resta debout, la respiration saccadée mais l’esprit plus calme que jamais. Il contempla le corps sans vie de Voldemort enveloppé dans sa robe noire, sa baguette à ses côtés. Puis il regarda derrière lui. Ron était parti, emportant avec lui le corps d’Hermione. Harry se retrouvait à présent seul, sans espoir de revenir dans le monde d’où il venait. Il n’essaya même pas d’essayer de passer par le voile. Il savait que Dumbledore avait fait du bon travail.
Il se dirigea néanmoins vers la porte de bois qu’il avait emprunté peu de temps auparavant, mais elle resta fermée. Toutes les autres portes étaient bloquées. Comme il s’y était attendu, comme Rogue lui avait dit, il était coincé dans cet endroit. Mais il ne comptait pas rester prisonnier de ces Terres à jamais. Il sentit le pouvoir de la Pierre Originelle palpiter dans ses mains.
Il regarda autour de lui mais il n’aperçut aucune surface réfléchissante. Il regarda auprès du piédestal en pierre, à proximité du voile, dans chaque recoin de la salle, mais il n’y avait rien qui pourrait lui renvoyer son image. Puis son regard se posa sur les yeux de Voldemort, dont les pupilles verticales montraient encore la surprise qu’il avait éprouvé lorsqu’il avait senti la mort le saisir.
Harry s’approcha du corps de son ennemi puis il le mit sur le dos. Ses yeux se posèrent sur ceux de Voldemort qui réfléchissaient son visage calme et posé. Il serra la Pierre Originelle dans ses mains, son regard se perdit dans ses propres pupilles, et il lui suffit d’exercer une ultime volonté. Ses yeux restèrent immobiles. Nulle surprise, nulle crainte ne s’y lisait. Harry sentit la Pierre chauffer dans sa main, puis tout devint noir. Un noir accueillant et consolant. A la fin de sa vie, il eut le temps de se souvenir du visage souriant de Ginny et de ses cheveux de feu. Et la chaleur dans sa main, la lumière de la salle, le bruissement du voile, les visages de ses amis, tout quitta à jamais son esprit. |