J'me fais mon cinémaaa !

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Tappu Nottep
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Re: J'me fais mon cinémaaa !

Message par Tappu Nottep »

Ça fait chaud au coeur :lol:

Surtout ne t'inquiète pas car : https://www.youtube.com/watch?v=q91SeXgjmmo
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Re: J'me fais mon cinémaaa !

Message par Sudena »

Depuis environ un an je me (re)fais une cure de cinéma, en particulier des films anciens considérés comme cultes mais parfois tombés un peu dans l'oubli qui me touchent dix fois plus que les gros blockbusters actuels. Ca intéresserait quidam que j'en parle ici?..
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Re: J'me fais mon cinémaaa !

Message par Tappu Nottep »

Bien sûr^^
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Re: J'me fais mon cinémaaa !

Message par Sudena »

Génial! Eh bien commençons sans plus attendre...



Je suis sûr que, comme moi, beaucoup d'entre vous connaissez et appréciez Tim Burton. Mais savez-vous qu'il n'a rien inventé? Et qu'il a été au-contraire le plus direct descendant d'un genre très ancien, et plus particulièrement d'UN film particulier: Le Cabinet du docteur Caligari?.. Voici sa présentation (très) générale:


En 1919, Weine réalise un film d'un genre tout nouveau, avec un style tout aussi nouveau qui a fait et fera des émules aussi longtemps que le cinéma durera.

Voici l'histoire: dans une ville du sud de l'Allemagne, une fête foraine est organisée. Un mystérieux docteur, appelé Caligari, y tient un stand où il montre Cesare le somnambule. Mais plusieurs meurtres étranges se produisent alors dans la ville... Après le meurtre de son ami _que Cesare avait prédit_, Francis (le narrateur) commence à soupçonner le docteur de manipuler le somnambule pour commettre des meurtres et dès ce moment il est trop tard: nous sommes déjà allés trop loin dans la folie pour pouvoir reculer...

Le film (muet bien sûr) se passe dans un décor hallucinant et halluciné, totalement peint à la façon d'un tableau de la Renaissance, tout en angles aigus. Le jeu de caméra est du même acabit avec des gros plans, des fondus, et une couleur de pellicule participant à l'ambiance générale oppressante et horrifiante. Mais c'est certainement le maquillage qui joue le plus: outrancier, en adéquation totale avec le décor et la lumière, il est le parfait écho de la folie qui émane de tout le film...



Le Cabinet du docteur Caligari a sans nul doute inspiré Bunuel et Dali dans leurs futures collaborations (on jurerait que les décors sont de Dali), et il a initié au moins deux genres: il est d'une part le premier film d'horreur, avant même que Murnau, puis les américains, ne s'accaparent le genre (Nosferatu date de 1922), et d'autre part il est le premier film expressionniste, le manifeste de ce mouvement dont Murnau sera un fameux représentant, de même qu'un certain Fritz Lang... Lang a participé au tournage de Caligari et le thème de la folie meurtrière se retrouvera dans SON chef d'oeuvre, premier joyau du cinéma parlant: M le Maudit (1931). Il est d'ailleurs frappant, en comparant ces deux monuments, de constater à quel point M ressemble à Cesare (les deux sont des meurtriers...mais ils sont au final bien plus à plaindre qu'à condamner)... Mais il y a plus troublant dans ce film: sa scène finale qui a alimenté et alimentera encore des débats sans fin quant à sa véritable signification: avons-nous vu le délire d'un fou ou est-il au-contraire la seule personne lucide du film qui a vu le danger? En d'autres termes: ce film est-il seulement un choc esthétique ou déjà une métaphore de cette Allemagne d'après-guerre?..

Tout ça pour dire que ceux qui ne connaissent pas ce chef d'oeuvre doivent impérativement prendre une heure de leur vie pour le savourer et découvrir une certaine idée du cinéma dans toute sa pureté...
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Re: J'me fais mon cinémaaa !

Message par Sudena »

Naissance d'une Nation



Il est commun et normal de faire remonter le cinéma à 1895 et l'invention des frères Lumière. On peut et on doit aussi parler de la poésie du premier créateur d'effets spéciaux: Georges Méliès. Mais le vocabulaire du cinéma, ce qui l'a fait entrer dans l'aire de l'art, nous le devons à un homme extraordinaire: T.W. Griffith.

Issu d'un milieu militaire et judiciaire du sud, Griffith se lance dans le cinéma en 1903 (soit un au tout juste après la sortie du film reconnu comme le premier pionnier du cinéma de fiction: Le Voyage dans la lune de Méliès) et réalise des dizaines et des dizaines de courts métrages, en explorant tous les genres déjà connus. Mais il ne se contente pas de faire jouer par des acteurs professionnels des histoires bien écrites: il tente d'inventer de nouvelles manières de filmer, essaie de voir les ressources de la caméra et du montage: l'inconnu ne lui fait pas peur, il a un don pour "raconter" en utilisant la caméra comme un stylo. Et en 1915 il est prêt pour le pari le plus fou du cinéma, celui qui le fera entrer à-jamais dans l'âge adulte et reconnaître comme un art: créer une superproduction de plus de trois heures sans lasser le public et en faisant en sorte qu'il suive sans peine.

Pour ce il va utiliser toutes les ressources disponibles: d'abord un scénario ficelé aux petits oignons qui raconte la Guerre de Sécession via deux familles amies et qui vont pourtant se combattre, et l'après-guerre dans le sud ravagé. Ensuite il alterne toutes ses techniques, passant tout le temps du plan large au plan serré et utilisant le montage parallèle pour augmenter le suspense. Il fait également allègrement des ouvertures et des fermetures "à l'iris", quelques (encore petits) panoramiques, des travellings, des pellicules de couleurs différentes pour marquer le moment et/ou le lieu de l'action, etc (aidé par un casting remarquable composé en particulier de Henry B. Walthall dans le rôle du personnage principal, de Mae Marsh, de Lilian Gish et d'un futur très grand nom d'Hollywood, ici assistant et acteur secondaire: Raoul Walsh)... Le cinéma se crée sous nos yeux! Et c'est génial! Et c'est superbe! Et ça nous prend aux tripes (la scène de la reconstitution de l'assassinat de Lincoln est une anthologie de suspense et d'efficacité dramatique)! Et on ne décroche pas du début à la fin! Et c'est immonde!..

Car voilà bien là le problème de ce film: le discours véhiculé est nauséabond et a déclenché même à l'époque des réactions indignées. Naissance d'une nation fait ouvertement l'apologie du Ku Klux Klan: bien que Griffith essaie plusieurs fois, dans les cartons, de "calmer le jeu" et d'atténuer le racisme général, celui-ci est présent jusqu'à l'écœurement, particulièrement dans la deuxième partie... C'est à la fois totalement euphorisant et hautement vomitif que de voir les braves chevaliers du K.K.K. arriver juste à temps pour sauver l'innocent de la horde de noirs sanguinaires qui s'apprêtait à les réduire en charpie (et ce bien que quelques braves noirs soient également là pour protéger leurs anciens maître chéris) et ainsi sauver la nation. Le plus dôle, c'est que ce film est également très favorable à Lincoln et montre son assassinat comme un sommet de lâcheté qui a eu de terribles conséquences pour le sud...

Film génial et révolutionnaire, Naissance d'une nation est à voir tant par intérêt historique que par plaisir pur: Griffith est un conteur de génie et un cinéaste sublime. Mais sa réputation reçut ici un coup terrible: décrit comme un raciste invétéré, il n'eut aucune chance de rédemption aux yeux de certains...et c'est bien dommage. Car il fit dans la foulée un deuxième film qui le ruina et qui ne marcha pas: Intolérance. Ce film, probablement son plus grand chef d'œuvre, ne marcha pas d'abord parce que sa réputation était faite depuis Naissance d'une nation, ensuite par sa complexité narrative d'entremêler quatre histoires totalement indépendantes autour d'un seul thème, enfin parce que le discours était cette fois-ci...trop progressiste. Eh oui! pour se faire pardonner d'avoir fait un chef d'œuvre raciste, Griffith fit un autre chef d'œuvre au discours totalement opposé. Son goût pour la démesure, son talent pour filmer de vrais acteurs de cinéma, son invention d'un nouveau vocabulaire, en font un cinéaste à classer parmi les plus grands génies de cet art, art qu'il a perpétuellement inventé et dont il a contribué à affirmer la légitimité...
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Re: J'me fais mon cinémaaa !

Message par Tappu Nottep »

Merci pour ces présentations, c'était intéressant de rappeler la place de ces films dans l'histoire du cinéma et de ses formes^^.
Le Cabinet du docteur Caligari m'avait bien fascinée par son histoire et son esthétique expressionniste. Quant aux Griffiths je n'en ai vu que des extraits en cours (on travaillait justement sur le passage du "théâtre filmé" de Méliès à l'apparition du montage), il faudra un jour que je les voie en entier !
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Re: J'me fais mon cinémaaa !

Message par Sudena »

Les Griffith gagnent à être vus en entier: les deux dont je parle durent environ trois heures et bigre comme on ne voit pas le temps passer! Merci de ta réponse car je sais que j'ai risqué "gros" en parlant de films carrément centenaires, muets et pour lesquels il n'existe aucune musique officielle. Je vais bientôt passer à des trucs moins "austères" mais pas moins fascinants à mon sens (pas de chronologie: ce sera selon mon inspiration du moment)...
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Re: J'me fais mon cinémaaa !

Message par Sudena »

Le Chant du Missouri



Bizarrement j'ai un gros coup de cœur pour ce film qui a toutes les apparences de la comédie gentillette et mièvre entre gens de la "haute" et ce dans le contexte d'une famille gaie, unie, heureuse et traditionnelle du début du XXème siècle. De plus on a beau chercher mais d'intrigue il n'est pas vraiment question: ce serait plutôt un assemblage de petites histoires quelque-peu entrecroisées sur des sujets simples qui apportent doutes, chagrins, joies et bonheur simples... Mais déjà la première nuance se fait: "simple" ne veut pas dire "banal" et pousse au-contraire à chercher un peu plus loin que les apparences, en se remettant par exemple dans le contexte de l'époque. L'exposition universelle arrive à Saint-Louis: certes ce n'est pas grand-chose mais c'est déjà ça: la situation n'est pas complètement ordinaire et le fait que la famille principale ait un téléphone est quelque-chose de neuf qui change discrètement le quotidien...

Et c'est là que nous arrivons au premier "coup" de ce film: si l'histoire est à-priori simple (j'ai bien dit "à-priori"...), son traitement ne l'est pas du tout. D'abord il s'agit d'une comédie musicale et c'est l'une des premières fois _ sinon LA première fois _ que ce genre est utilisé dans un contexte dramatique qui n'a, de près ou de loin, absolument RIEN à voir avec Broadway: aucun personnage n'est acteur, chanteur, producteur, metteur en scène ou autre, et le chant, ainsi, se "fond" dans l'action, l'illustre sans la commander ni même en être le prétexte. Et il faut voir, entendre, ces chants pour en saisir l'émerveillement: que ce soit le récurent "Meet me in Saint-Louis", le frénétique et pétillant "Trolley song", le très mélancolique "Have yourself a merry little Christmas" ou les autres, ils "coulent" avec magie pour faire partie d'une harmonie complète. Car si le film n'a pas UNE intrigue bien définie, il est pourtant, deuxième "coup", d'une fluidité incomparable, avec des personnages sublimement cohérents et surtout des rapports merveilleusement complexes...

J'en arrive alors au troisième "coup" que je n'avais pas envie de garder pour la fin: derrière son apparence simple et presque mièvre, ce film est en fait l'un des plus intelligents et des plus fins que j'aie jamais vus. D'ailleurs il suffit de voir dans quel état nous sommes à la fin: qui n'a pas eu les sourcils froncés, en train de se demander ce qu'il/elle a vraiment vu? si Minnelli ne s'est pas copieusement joué de notre sourire niais pour délivrer un message hautement subversif? Connaissant un peu le réalisateur, c'est plus que probable... Car Le Chant du Missouri nous présente une famille patriarcale où le père est le chef de famille qui travaille et qui prend les décisions importantes, mais très vite l'image se trouble quelque peu. Car la famille est très majoritairement composée de femmes (il n'y a que trois hommes, et de trois générations, contre cinq femmes, plus une domestique qui est tout le temps là), et le père, souvent absent, a toutes les peines du monde à imposer son autorité: des événement lui passent à-côté et le grand-père dit dès le début "On le laisse nous entretenir" comme si c'était déjà grandement suffisant. Aussi, alors qu'il n'est même pas le personnage principal du film, est-il souvent en porte à faux avec le reste de la famille, mais son statut continue à faire de lui le chef, car tout le monde le regarde comme ça. Tout le monde? en fait tous ceux qui respectent les conventions sociales. Il n'est d'ailleurs pas du tout anodin de faire d'Esther (Judy Garland), symboliquement l'axe médian de la fratrie (troisième enfant sur cinq) le personnage principal du film, car elle respecte les conventions sociales tout en en souffrant... Et l'intelligence phénoménale de ce film est symbolisé par le fait que ce soit la petite Tootie qui, trop jeune, ignorant donc ces conventions, s'oppose le plus ouvertement à son père dans une superbe scène d'une violence inattendue (la décapitation des bonshommes de neige), mais parfaitement "dans le ton" de son personnage rempli de pensées morbides sans perdre un iota de son innocence candide: le happy-end n'en sera que plus beau car il est symboliquement la victoire des sentiments sur le qu'en-dira-t-on...

Quatrième "coup" de ce film mais non des moindres: la mise en scène. Je reviendrai sur la couleur plus tard mais dès les premières images la maîtrise des plans et des déplacements des acteurs ou de la caméra saute aux yeux: c'est un sans-faute le total avec des moments proprement magiques. Les personnages, à l'exception de la seule Tootie (ce n'est pas un hasard comme nous l'avons vu) sont presque perpétuellement "encadrés" soit par un élément du décor, soit par d'autres personnages, et il se dégage de cela une poésie féérique, en particulier avec les scènes de Judy Garland dont le "cadre" est particulièrement visible et renforce son charme étrange et unique en son genre (elle n'a jamais autant ressemblé à une poupée de porcelaine). Et qui peut rester insensible à la perfection de l'échange de cavaliers derrière l'arbre de noël?.. Chaque "chapitre" du film se décompose aussi avec une classe splendide: la maison façon carte postale en photo noir et blanc dont le décor change selon la saison, puis "s'anime" et prend ses couleurs pour nous y plonger: c'est irrésistible...et c'est un pont parfait pou amorcer le cinquième et dernier "coup" de ce film: la couleur.

Vincente Minnelli n'est pas seulement le metteur en scène le plus élégant de tout les temps: il est aussi le meilleur coloriste qu'Hollywood ait jamais eu et si ce film a autant de classe il le doit en grande partie à son technicolor. Je trouve au technicolor une beauté, un charme, supérieur à toutes les autres techniques: quand je vais voir un film je ne fait pas de son réalisme un critère de qualité: ça n'a rien à voir selon moi, et je ne vois pas du tout le technicolor comme un accessoire "kitch", pas dans l'absolu en tout cas. Et avec Minnelli, ce n'est jamais kitch, ce n'est jamais vulgaire, ce n'est jamais fatigant pour les yeux: c'est toujours sublime. Or dans ce film on touche à un must à ce niveau: aux couleurs "ensoleillées" de l'été, pleines de jaune, de vert et de rose, succèderont les effrayants orangés et noirs d'Halloween, puis enfin les nocturnes et hivernaux bleus et blancs de l'hiver, le tout dans une maison à forte dominante rouge. La couleur ne s'arrête pas à ça: elle s'unit à la luminosité pour proposer des scènes d'un autre monde, d'une poésie hors du commun. C'est particulièrement remarquable sur la scène ou Judy Garland chante "Have yourself a merry little Christmas" suivie du massacre des bonshommes de neige mais c'est surtout dans cette scène magie pure, d'un romantisme plus délicieux que délicieux, où les lumière sont éteintes petit à petit qu'on remarque le mieux cette association...

Pour toutes ces raisons Le Chant du Missouri fait selon moi partie des chefs d'oeuvre du cinéma: un film à découvrir et à voir sans modération. Un enchantement pareil ça ne se loupe pas...
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Re: J'me fais mon cinémaaa !

Message par Sudena »

La Rumeur



C'est en 1961 que William Wyler, sortant du succès phénoménal de Ben Hur, réalise ce film aux sujets si délicats dont le traitement, s'il peut paraître vieillot aujourd'hui, pas assez "osé", est à mon avis et au-contraire une merveille car il cache son audace derrière sa pudeur et son classicisme maîtrisé à la perfection dans le plus grand et le plus "classe" des majors: la MGM.

La progression dramatique de ce film est d'une efficacité diabolique, d'autant plus que le début est d'une banalité absolue qui pourrait facilement rebuter si elle n'était pas accompagnée par une mise en scène parfaite, une photographie sublime et des actrices à la fois magnifiques et totalement imprégnées de leurs personnages (j'y reviendrai). L'histoire, la voici: dans l'Amérique profonde, Martha et Karen, deux amies de longue date, ont ouvert depuis un an une école pour filles et elles commencent doucement à voir le bout de leurs ennuis financiers. Appréciées des élèves et des parents, elles sont les enseignantes modèles et bienveillantes qu'on aurait aimé avoir eues tout le temps dans notre enfance... Bien sûr ce n'est pas totalement parfait: Karen vient de se fiancer au docteur Joe Cardin ce qui inquiète et énerve Martha qui, malgré la sympathie qu'elle éprouve pour le bon docteur, a peur de perdre sa meilleure amie et de voir l'école s'arrêter (bien que Karen la rassure sur ces deux points); et surtout la tante de Martha, qui les aide certes un peu dans le quotidien, vit à leurs crochets et ne pense qu'à relancer sa carrière d'actrice. Mais le vrai problème va venir d'une élève infernale, mythomane et menteuse, pourrie-gâtée par sa grand-mère qui, pour se venger d'une punition tout à fait méritée, va faire courir une rumeur impardonnable dans cette Amérique puritaine: les deux jeunes femmes entretiendraient une relation homosexuelle...

A-partir de là le film s'emballe et change du tout au tout: l'école se vide d'un coup sans que les deux héroïnes n'y comprennent rien, l'horrible gamine, reconvertie maîtresse-chanteuse, maintient ses accusations et malgré le soutient du docteur Cardin (le seul à ne pas croire la rumeur), la rumeur fait son chemin, l'école est ruinée et les deux amies vivent en parias, ne sachant plus à quel saint se vouer. Car au bout d'un moment même Joe, qui aura perdu son travail pour oser être fiancé à une lesbienne (même si ce mot n'est jamais utilisé dans le film, pas plus qu'"homosexuel") finira par douter malgré lui ce qui terminera sa relation avec Karen: la rumeur a détruit deux vies: ces jeunes femmes ne peuvent plus compter sur personne. Heureusement la vérité finira par éclater: l'horrible menteuse sera démasquée et les deux héroïnes seront "réhabilitées"...

Mais tout se complique alors: car en même temps que cette heureuse fin point à l'horizon la question du fondement de cette rumeur s'insinue comme un poison dans l'esprit même des deux héroïnes. La question n'est pas de savoir si elles ont eu une relation sexuelle: en 1961 le code Hays sévit encore à Hollywood et on sait avec certitude qu'elles ne se sont jamais touchées. Non: la question est plus intime, plus profonde, repose sur les non-dits et le pouvoir de suggestion que Wyler réussit à insuffler dans son film, ce qui permet des interprétations bien différentes selon les ressentis. Dans la dernière demi-heure l'émotion devient paroxystique: les sombres et somptueux noirs et blanc de cette école abandonnée font écho à la culpabilité de Martha qui avoue son amour à Karen dans une scène déchirante d'une intensité exceptionnelle. Rongée par le chagrin, dévorée par le remords, sa réhabilitation aux yeux de la société ne la sauvera pas...

Mais si les sentiments de Martha sont à peu près clairs, ceux de Karen le sont beaucoup moins et prêtent à beaucoup d'exégèses (si vous permettez un mot aussi religieux pour désigner une relation que la Bible qualifie d'"abomination"...). Peut-être notre regard d'aujourd'hui est-il plus ouvert à ce genre de choses que celui de jadis mais des scènes existent qui délicatement suggèrent que l'amour de Martha n'est peut-être pas à sens unique (scènes dont à mon avis la délicatesse et la pudeur exaltent l'intensité, comme si, en nous cachant les épines, seuls les pétales de la rose nous caressaient l'esprit, permettant de mieux savourer son parfum)... D'abord il y a la manière dont Karen romp d'avec Joe: elle semble vraiment le forcer à reconnaître ses doutes et le pauvre homme semble complètement perdu et avouer contraint et forcé. De plus, une scène finale typiquement hollywoodienne est suggérée par le cadrage, qui verrait le couple se remettre ensemble...or Wyler refuse délibérément cet écueil et ne fait même pas tourner la tête à Karen qui s'en va sans un regard pour personne, la tête haute... Ensuite il y a la réaction de Karen aux aveux de Martha: derrière une négation apparente, jamais elle n'envisage de se séparer de son amie et lui demande de venir avec elle pour recommencer leur vie. C'st directement après ces aveux que la grand-mère de la petite morveuse (aussi détestable qu'elle) vient s'excuser et annoncer que l'honneur des deux institutrices sera lavé avec dommages et intérêts, or Karen ne va pas l'annoncer en courant à Martha ni n'esquisse le plus petit signe de joie ni même de soulagement, au-contraire: elle la congédie séance tenante et reste dans l'entrée, sans mot dire, aussi perturbée qu'avant...

Ces scènes, bien sûr, ne seraient pas mémorables si elles n'étaient servies par un jeu et une réalisation phénoménales: aussi reconnaît-on parfaitement l'élégance typique de la MGM dans les costumes, les décors et certains mouvements de caméra. La puissance des images est au service de l'émotion: la grand-mère et la petite peste sont prises en pleine lumière les rendant particulièrement têtes à claques, impression renforcée par les nombreux gros plans sur leurs têtes blanches aux yeux bleus, où ne transpire aucune nuance ni pitié... Les deux héroïnes en-revanche sont construites sur des contrastes permanents de lumière tant dans le décor où elles évoluent que dans leurs visages. Le paroxysme à ce niveau est probablement cette terrible scène où Karen découvre le cadavre de Martha: l'ombre géante des pieds de Martha pendue d'un côté, la silhouette gracile de Karen recroquevillée et sanglotant de l'autre: c'est très court mais ça en jette comme pas autorisé: quand on le voit une fois on ne l'oublie pas...

Parlons maintenant des acteurs: Fay Bainter, Miriam Hopkins et James Garner sont parfaits en personnages secondaires, les gamines principales sont magnifiques l'une de vilénie l'autre d'effroi "vrai" et brut, mais comme de bien entendu ce sont les deux actrices principales qui éclaboussent l'écran: Shirley MacLaine interprète une Martha toute de passion et d'amour, à la fois la plus "engagée" mais aussi la plus fragile des deux. Sa sincérité est déchirante et elle brûle comme le feu du volcan: trop ardente pour ne pas s'éteindre prématurément... A-côté d'elle Audrey Hepburn est une Karen très douce, très sobre, qui s'abandonne plus facilement mais qui dégage une très grande force au service d'une sensibilité bouleversante. L'actrice donne à son personnage toute sa grâce, sa beauté et sa classe inégalable...

Merveilleux film qui ensorcèle aussi lentement que sûrement, il se voit et se revoit sans lassitude aucune: on a beau parfaitement savoir ce qui va se passer et quand ça va se passer on a toujours autant envie de boxer cette affreuse gamine, d'arracher la tête de cette immonde grand-mère et de hurler aux héroïnes qu'on est avec elles... Son classicisme et sa quasi-austérité apparente cachent un double propos extrêmement osé tant sur les ravages de la rumeur que sur l'homosexualité, propos que sa pudeur décuple et empêche paradoxalement de mal vieillir (reproche que j'ai tendance à faire à Ben Hur du même réalisateur): un joyau pur comme un diamant, fragile comme une rose, émouvant comme une larme...
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Re: J'me fais mon cinémaaa !

Message par Pellopupuce »

C'est moi ou Maureen O'Hara est partie sans qu'on en parle :scratch: :(
Arthur a écrit :Ça vous fait pas mal à la tête de glandouiller 24h/24?
OC a écrit :"Oui, l’histoire est merdique, mais la vache, qu’est ce que les effets spéciaux sont bons !", ça revient à dire "Bon, d’accord, quelqu’un vient de chier dans mon assiette, mais la sauce est bonne, non?"

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Re: J'me fais mon cinémaaa !

Message par Sudena »

Plus personne ne parle ici... C'est une grande actrice qui est partie: une légende de l'âge d'or à défaut d'être la plus "médiatique". Et il n'en reste définitivement plus que deux: Olivia de Haviland (et c'est loin d'être ma préférée...) et MR Kirk Douglas. Maureen O'Hara...comment oublier son tout premier grand rôle dans "Qu'elle était verte ma vallée" ou son duo avec le Duke dans "L'homme tranquille"?.. Une très grande, une très très grande! RIP Maureen...
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Re: J'me fais mon cinémaaa !

Message par Pellopupuce »

Spectre de Sam Mendes. Avec D.Craig, L.Seydoux, C.Waltz...
James Bond part en vacances au Mexique. A partir de là tout s'enchaîne!

Un très beau pré générique: un long plan séquence, peu de paroles, et des cascades "jeux videos". A noter que la signature 007 (JB vient de notre droite, il est dans notre collimateur, il se retourne vivement et tire sur le public ) ouvre le film: une première depuis que Craig incarne l'agent, serait ce un retour aux sources?
Le générique est remplit des poncifs du genre: femmes très peu vêtues, armes. Le point fort: la chanson n'est pas aussi entêtante (et je suis poli) que celle du précédent opus.
Ensuite... sans vous spolier, une longue suite d'hommages aux films de la série: Dr No, Goldfinger, Au Service secret de sa majesté, L'espion qui m'aimait, et ceux dont l'antagoniste possède un persan blanc.
L'argument est pas mal, même si un peu moins que celui de Skyfall.
Les interpretations sont faiblarde quand même il me semble.
Un film qu'il faudra que je revois pour m'en faire une opinion plus poussée.
Bonnes toiles à toutes et à tous.
Arthur a écrit :Ça vous fait pas mal à la tête de glandouiller 24h/24?
OC a écrit :"Oui, l’histoire est merdique, mais la vache, qu’est ce que les effets spéciaux sont bons !", ça revient à dire "Bon, d’accord, quelqu’un vient de chier dans mon assiette, mais la sauce est bonne, non?"

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Re: J'me fais mon cinémaaa !

Message par Pellopupuce »

Hunger games 3.2
... non il n'y a pas d'histoire!
Nous y sommes! A force de ne vouloir faire que de l'argent, on oublie de faire un film!
Donc récapitulons: il y a trois livres, une grande boite de prod' veut mettre ça à l'écran et commence donc simplement, un livre=un film. Mais le succès rendant gourmand, on décide de faire deux films sur le dernier opus livresque.
Malheureusement c'est mal fait: chez HP rien dans le 7.1 et trop dans le 7.2; pour Twilight... bon ils ont fait ce qu'ils ont pu; et ici HG 3.1 est lent et inintéressant et HG 3.2 est lent et inintéressant! En ça c'est une réussite: le ton est le même: plat, le propos aussi inepte, le rendu aussi vide!
Donc merci au major d'Hollywood de nous vendre des verres d'eau chaude estampillés "café" mais qui ne sont que des déca-sucrettes!
Dans l'attente d'un bon film, bonnes toiles à toutes et à tous!
Arthur a écrit :Ça vous fait pas mal à la tête de glandouiller 24h/24?
OC a écrit :"Oui, l’histoire est merdique, mais la vache, qu’est ce que les effets spéciaux sont bons !", ça revient à dire "Bon, d’accord, quelqu’un vient de chier dans mon assiette, mais la sauce est bonne, non?"

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Angel
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Re: J'me fais mon cinémaaa !

Message par Angel »

Quelqu'un a vu le nouveau Stars Wars? Il vaut la peine??
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Pellopupuce
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Re: J'me fais mon cinémaaa !

Message par Pellopupuce »

Oui! Deux fois. Donc en 3d c'était pas terrible (mais comme c'était une séance privée et offerte...), en 2d c'était très bien. Ça pêche un peu côté contextualisation. Et le scénario n'est pas très original. .. sinon ça reste un bon divertissement.
Le pont des espions de Steven Spielberg.
La guerre froide...
Plutôt bien. On sens un peu trop la pâte Coen bro: je me m'explique, c'est très bon mais ça ne colle pas vraiment avec la réalisation à mon goût!
Bonnes toiles à toutes et à tous.
Arthur a écrit :Ça vous fait pas mal à la tête de glandouiller 24h/24?
OC a écrit :"Oui, l’histoire est merdique, mais la vache, qu’est ce que les effets spéciaux sont bons !", ça revient à dire "Bon, d’accord, quelqu’un vient de chier dans mon assiette, mais la sauce est bonne, non?"

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